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Peut-on exercer de façon « restreinte » le métier infirmier ?

Publié le 01/06/2017

Une infirmière qui avait injecté par erreur un mélange mortel à deux nouveau-nés prématurés comparaissait le 31 mai dernier pour « homicides involontaires » au tribunal correctionnel du Havre. Ce dernier a ordonné une interdiction définitive de pratiquer des soins infirmiers hors services de rééducation et gériatrie pour la jeune-femme en plus de la peine de prison avec sursis. Une décision qui interroge la communauté infirmière et qui pose la question suivante : "peut-on exercer de façon « restreinte » le métier infirmier ?

L'infirmière de 37 ans qui travaillait dans le service de néonatologie de l'hôpital Flaubert du Havre a comparu le 31 mai 2017 pour homicides involontaires sur la personne de ces deux prématurés de sexe masculin.

Mise à jour du 13 juin 2017 - Le parquet a interjeté appel de la décision

Selon paris-normandie.fr, le procureur du Havre a fait appel à la décision qui a condamné l'infirmière du Groupe Hospitalier du Havre pour "homicide involontaire" sur deux prématurés. Pour rappel, elle a écopé de dix-huit mois de prison avec sursis et d'une interdiction d'exercer sauf en gériatrie et en rééducation. Le parquet juge la décision incohérente et demande une interdiction d'exercice définitive et totale. On ne peut pas distinguer plusieurs domaines dans une seule profession. Le procès en appel ne devrait pas se tenir avant une année.

Rappel des faits

Le 5 août 2009, à l'hôpital Flaubert du Havre, l'infirmière travaillant dans le service de néonatologie avait administré par perfusion de l'électrolyte (un mélange de sodium et de potassium) aux deux nourrissons, âgés de 5 et 9 jours, alors que le médecin avait préconisé l'injection d'eau distillée .  L'infirmière en service lors des décès, "avec plusieurs années d'expérience" et "bien notée", avait pris en charge les enfants dans le "cadre habituel des soins". Elle avait alors été suspendue à titre conservatoire.

A l'heure du jugement

L'infirmière de 37 ans a comparu le 31 mai pour homicides involontaires sur la personne de ces deux prématurés de sexe masculin. Le parquet avait requis trois ans avec sursis, pointant une succession d'erreurs. Le tribunal a ordonné une interdiction définitive de pratiquer des soins infirmiers hors services de rééducation et de gériatrie. L'infirmière pourra ainsi continuer à exercer dans le service de rééducation d'un établissement de santé où elle a été affectée depuis.

Selon nos confrères de France 3 Normandie, les juges ont retenu la gravité exceptionnelle des faits compte tenu des conséquences mais aussi des circonstances extérieures, l'affectation de l'infirmière dans un service très délicat, formation assez empirique donnée aux infirmières et désinvolture de ses collègues qui ont abandonné leur poste. Le tribunal n'a toutefois pas retenu de responsabilité pour le groupe hospitalier du Havre qui avait été aussi mis en examen et son directeur auditionné. Malgré des dysfonctionnements constatés, un non-lieu a été rendu. Les dysfonctionnements ne sont pas liés aux chefs d’incrimination d’homicide involontaire, regrette Maître Giard, avocate de l'infirmière.

On apprend également que juste après les faits, l’infirmière s’est mise en arrêt maladie pendant six mois. À son retour, elle a été réintégrée à l’hôpital, dans le service d’urgence pédiatrique. À peine quelques jours après être revenue, elle commet une nouvelle erreur dans la préparation d’une solution pour un enfant diabétique, heureusement repérée par une collègue. Son avocate rajoute elle a démissionné, puis a été révoquée en conseil de discipline.  Aujourd’hui elle travaille dans un centre de rééducation. 

Sur France 3 Normandie, les deux avocats des parties adverses s'expriment. Maître Valérie Giard, avocate de l'infirmière, souligne ceci : depuis 2009, cette infirmière n'a jamais été interdite d'exercice et d'ailleurs elle exerce aujourd'hui. Il n'y a eu aucune difficulté signalée depuis. Donc, 8 ans après, cette interdiction qui tombe est totalement incohérente. De son côté, Maître Richard Fiquet, avocat des familles s'insurge de cette décision : On ne sait pas quels soins elle fait, on ne sait pas quels soins elle fera à l'avenir, donc elle est en position de commettre à nouveau des erreurs. C'est l'effondrement total du côté de mes clients. La seule chose qui leur importait, c'est qu'au moins ils aient l'assurance qu'elle n'exercerait plus du tout, du tout, du tout. Et ce n'est pas le cas.

La communauté infirmière s'exprime

Contacté par la rédaction d'Infirmiers.com, Karim Mameri, secrétaire général de l'Ordre national des infirmiers , souligne que cette décision est proprement scandaleuse, jetant l'opprobre sur les infirmier(e)s exerçant auprès de nos aînés et dans les services de rééducation car laissant supposer un écart de compétences sur ces terrains particuliers d'exercice. Ce signal est loin d'être rassurant notamment pour les familles en droit d'attendre la même qualité des soins que dans n'importe quel autre contexte. Quant aux infirmiers travaillant notamment en Ehpad - un secteur où , on le sait, le recrutement n'est déjà pas facile - cette décision du juge est tout bonnement insultante. Et de rajouter que cette infirmière n'étant pas inscrite au tableau de l'Ordre, il y a eu impossibilité pour l'ONI durant l'instruction de faire intervenir un expert judiciaire infirmier (une mission dévolue à l'ONI depuis 2009) qui aurait pu juger de ses compétences à continuer à exercer. En tout état de cause, en matière de compétences on ne peut être que dans le tout ou rien, certainement pas dans un exercice contraint et restreint à deux seuls domaine comme ici les services de réeducation ou de gériatrie où les risques sont tout aussi importants qu'ailleurs.

"Ma cliente était effondrée avant, pendant et le sera après le procès", souffle l'avocate de l'infirmière Valérie Giard. "Elle survit depuis les faits, elle ne se remettra pas d’avoir donné la mort à deux bébés".

La communauté infirmière a été également invitée à réagir sur les réseaux sociaux. Voici ce que l'on peut lire sur la page facebook d'infirmiers.com.
- Ax'Hel Li-Se - L'erreur est humaine bien sûr et elle nous arrivera tous un jour... parfois et souvent heureusement sans aucune conséquence et parfois malheureusement avec des conséquences désastreuses... probable que son cœur et son âme sont anéantis. Pas la peine de la blâmer davantage. Le pire de sa part serait une désinvolture totale, auquel cas, c’est peu cher payé. Cela peut paraître peu 18 mois pour la mort de deux bébés, mais moi personnellement ce serait durant ma vie entière que la culpabilité me rongerait... et j’espèrerais du soutien. Par contre "l'interdiction d exercer SAUF en gériatrie" O my God ... Toutes mes condoléances aux familles pour qui tout jugement, quel qu’il soit, ne rendra pas leurs enfants et courage à notre collègue pour vivre avec cela sur la conscience toute sa vie.

- Sandra Goncalecost - Oh ben moi qui part bosser en médecine onco-gériatrique me voilà rassurée.... Si j'en tue deux trois je ne risque rien !!!! Heureusement que je viens de quitter la pédiatrie pour passer à l'autre extrême de la vie alors… Non mais lol quoi, sont graves sérieux..... Sauf en gériatrie... Pourquoi ? C'est un service simple ?

- Reposeur Brigitte - Triste comme jugement. Interdiction d’exercer sauf en gériatrie. Ça veut dire quoi… ?

- Shirley Emma - Une erreur peut arriver à toutes mais entraîner la mort, non, c'est intolérable. Une interdiction d'exercer définitivement et une mise à pied aurait été juste ! Marre d'avoir des collègues qui bossent en EHPAD par punition, pire sanction... nos aînés méritent mieux que ça !!!

- Réponse de Sophie Lobner - Rey - Il y a une différence entre donner la mort par erreur et volontairement. A mon avis elle ne fera pas deux fois la même erreur. Et elle ne bosse pas en EHPAD, ce n’est donc pas une sanction, il n'y a pas que l'EHPAD dans le domaine de la gériatrie. Aussi peu de compassion pour une collègue, c'est affligeant...
- Mireille Reduron - Ce que je retiens c'est le fait qu'elle aura le droit de bosser en gériatrie, triste réalité la considération du travail en gériatrie.

- Magali Rampal Lauzier - Interdit d'exercer sauf en gériatrie ? ! On en parle?! Je ne comprends pas? Mais quelle image la gériatrie renvoie-t-elle à la société pour en arriver à de telles conclusions ?!

- Isabelle Man Wal - Je peux comprendre la sanction; j'ai exercé un an en service de prématurés lorsque j'avais 20 ans (mon premier poste en tant qu'IDE); très lourdes responsabilités que je ne voudrais plus porter aujourd'hui.

Suite à ces premières réactions "à chaud" nous suivrons bien évidemment les suites de ce procès et les développements qu'il pourrait -ou devrait - susciter. 

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com