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Parcours d’infirmiers « masterisés » en sciences cliniques infirmières

Publié le 08/11/2012
Parcours d’infirmiers « masterisés » en sciences cliniques infirmières

Parcours d’infirmiers « masterisés » en sciences cliniques infirmières

Parcours d’infirmiers « masterisés » en sciences cliniques infirmières

Parcours d’infirmiers « masterisés » en sciences cliniques infirmières

Pierrette Meury, infirmière libérale en Guadeloupe, a validé son Master 2 en Sciences cliniques infirmières, premier du genre conduit sous l’autorité de la Haute école en santé publique (EHESP) en partenariat avec l’université Aix Marseille.Elle nous raconte ses aspirations et surtout celles de ses consœurs et confrères qui, deux ans durant, ont comme elle réorganisés leur vie pour mener à bien ce cursus qui leur tenait tant à cœur.

Une filière universitaire en soins infirmiers se créé en France. Après avoir amené les instituts de formation en soins infirmiers à intégrer les universités et donc à doter les infirmiers d’une licence en soins infirmiers, la réforme se poursuit. Sous l’impulsion du professeur Yvon Berland, le premier master en sciences cliniques infirmières est créé dans trois spécialités : Infirmier(ère) de pratiques avancées en cancérologie ; Infirmier(ère) coordinatrice de parcours complexes de soins ; Infirmier(ère) de pratiques avancées en gérontologie.

Continuité des études désormais en filière universitaire, ce master se déroule sous l'autorité de la Haute Ecole en Santé Publique ( EHESP) et de l’Université Aix-Marseille :

  • le master 1, généraliste, est mené par l’EHESP ;
  • une spécialité est proposée en master 2.  Les options « gérontologie » et « coordination du parcours complexe de soins » ont été dispensées à l’université de Marseille. La spécialité « cancérologie » le sera lors de la prochaine année universitaire, et déjà un projet de master 2 en dialyse et allergologie se profile.

Après avoir formé 7 infirmiers lors de la première année 2010/2011 , ce sont 16 professionnels qui ont obtenu leur diplôme en 2012. Nous comptons donc 23 infirmiers niveau master 2 en filière infirmière, dont 2 infirmiers suisses. Certains sont venus de loin. Depuis la rentrée 2012, un département « recherche infirmière » s’est ouvert, adossé au laboratoire de santé publique. Le projet d’un Doctorat en sciences cliniques infirmières en France, est déjà dans les cartons.

Motivations, organisations, efforts et perspectives

Les infirmiers qui se sont engagés dans ce nouveau cursus ont tous une solide expérience de l’encadrement ou de la coordination, ils exercent en service hospitalier, au sein de réseaux, en centre de soins ou en libéral. Chacun avait sa motivation.

- Pauline infirmière coordinatrice dans un centre de cancérologie à la Polyclinique du Parc Rambot à Aix-en-Provence, nous explique : « je voulais valider mes 5 ans d'exercice de coordination en cancérologie par un diplôme et une formation qui me permettaient d'améliorer mon activité. Une sorte de regard en arrière pour mieux me projeter en avant ».

- Pierrette, infirmière libérale en Guadeloupe, souhaitait donner du sens et de la cohérence aux trois diplômes universitaires qu’elle avait obtenus - Soins palliatifs, Douleur, plaies et cicatrisation ; Niveau 2 Éducation thérapeutique. Certificat coaching (ICIcoach) à son expérience de terrain en libéral et de coordination au sein d’un service HAD. De plus, son engagement dans les instances comme responsable syndicale (SNIIL) lui avait ouvert des perspectives qu’elle voulait concrétiser.

- Bruno, lui, souhaitait rendre pérenne son poste de coordinateur au sein du service de soins à domicile et du même coup positionner le centre qui l’emploie comme pivot dans un projet de regroupement de structures.

- Barbara, infirmière clinicienne qui intervient en IFSI pense : « j’ai toujours été persuadée que voie de progression infirmière existait à côté de l’encadrement, avec des missions différentes plus centrée sur la pratique clinique ».

- Véronique, infirmière clinicienne suisse nous déclare : « il s'agissait de renforcer la visibilité des soins infirmiers et leur “nécessité sanitaire" grâce à l'utilisation adéquate d’indicateurs sensibles et spécifiques aux soins infirmiers. L'idée aussi était de quitter la gestion de service pour me consacrer davantage à la pratique clinique car la formation de clinicienne il y a 12 ans m'avait passionnée ».

- Pascal a choisi le parcours gérontologie, il est en exercice libéral, souhaite plus d’autonomie et est convaincu de la place que doivent prendre les infirmiers dans la prise en charge gériatrique de premier recours. Il nous dit : « la chance est d'avoir eu Professeur Berland qui a poussé à la création de ce master et surtout d'avoir rencontré le Professeur Bonin-Guillaume qui connaît très bien les enjeux, les difficultés et nous pousse à nous imposer fort intelligemment dans une démarche de complémentarité avec les médecins. »

Tous ont organisé cette année très particulière, où ils ont oscillé entre statut étudiant et professionnel, agençant des emplois du temps complexes, car tous avaient conservé tout ou partie de leur poste précédent. Céline a dû par exemple, en cours de formation, vendre sa part dans l’association où elle exerçait en libéral. Un challenge qu’ils ont relevé, grâce à une unité de groupe extraordinaire.

Même si tous sont habitués à suivre une formation continue régulière, reprendre un rythme universitaire de ce niveau a nécessité un gros travail individuel. Certains étudiants ont choisi de faire la deuxième année de master en 2 ans afin de la rendre compatible avec leur exercice professionnel.

- C’est le cas de Linda en exercice en Corse, elle a terminé son master 2 en juin 2012, puisque les stages obligatoirement effectués à Marseille étaient impossibles à organiser au sein de son service l’année précédente.

- Patricia, infirmière libérale et coordinatrice au réseau ILUP, soutiendra son mémoire et fera ses stages l’année prochaine.

- Pierrette venait de Guadeloupe, son exercice libéral lui a fermé toute possibilité de financement, elle a donc différé son inscription d’une année afin de budgétiser et d’organiser la continuité au sein du cabinet. Après avoir frappé à toutes les portes,elle s’est résignée et portée par une forte motivation elle a assumé seule, la charge financière de cette formation qu’elle évalue à 18.000 euros1. Une année de réaménagement professionnel familial et personnel, avec de longues semaines consécutives de cours et stages en présentiel à Marseille.

- Pascal, lui aussi en libéral, a dû vendre ses parts de cabinet pour financer sa formation, et regrette la jalousie dont il a été victime de la part de certains collègues… Une année de réaménagement professionnel familial et personnel, avec de longues semaines consécutives de cours et stages en présentiel à Marseille.

- Véronique n’a obtenu qu’une partie du financement de la formation par la structure helvétique qui l’emploie et nous avoue  «… des économies sont de toute manière indispensables pendant ce genre de formation où il est vrai, la quantité de travail à fournir (surtout en première année), ne permettait pas des loisirs les WE et vacances, donc moins de dépenses ! ».

- Pauline a dû, pendant le temps d’écriture de son mémoire, cesser d’aller aux rendez-vous de suivi des patients qu’elle a assumé toute l’année après ses cours à l’université de la Timone, à Marseille. Elle admet que sans le soutien de son conjoint, de la structure et de ses collègues, cela aurait été très difficile.

- Barbara nous confie que le soutien de ses collègues a été indispensable : « Mes absences de ces deux années ont été bien acceptées. Dès que cela a été possible, un collègue de l’USP(unité de soins palliatifs) m’a remplacé. Il faisait le travail courant, ce qui était beaucoup, mais à mon retour je devais rattraper le travail plus institutionnel … mon fils avait 13 ans quand j’ai commencé la formation… A la fin du master 1 il m’a dit « je n’ai pas existé pour toi pendant un an », c’est dur, mais réel car la charge de travail m’avait complètement absorbée. »

La deuxième année comporte 420 heures de cours et 420 heures de stages professionnels, le tout réparti sur 23 semaines. Une année d’efforts, mais si aujourd’hui vous demandez à tous ces soignants dans quel sens penche la balance, tous sont très heureux d’avoir organisé leur vie pour que ce soit possible. Même si certains regrettent que leur statut ne leur ai permis aucune subvention ou rémunération sur le temps de formation, ils espèrent tous pouvoir faire évoluer leur avenir professionnel et la profession dans son ensemble.

Quelles nouvelles compétences ?

Ces professionnels seront chargés de consultations d’évaluation, de suivi, d’annonce au sein d’équipes spécialisées. Les infirmiers coordinateurs, eux, mèneront des démarches projet, qualité, évaluation autour des chemins cliniques, des parcours complexes, de la coordination au sein d’équipes pluri-professionnels. Des postes sont à créer, à imaginer, à financer. L’objectif demeurant une amélioration de la qualité pour une prise en charge efficiente y compris dans les situations critiques et complexes.

- Barbara s’est vu proposer un nouveau poste dès l’obtention de son master 2 : « Depuis le 1er septembre, j’ai la fonction d’infirmière coordinatrice des équipes mobiles de soins palliatifs du groupe hospitalier… Ce poste est dimensionné au niveau d’un pôle avec des interventions sur l’ensemble des 3 hôpitaux du fait de la transversalité des missions d’une équipe mobile de soins palliatifs.”

- Véronique a elle aussi changé de poste : « j'ai quitté ainsi la gestion de service (depuis 20 ans tout rond !) pour un poste d'Infirmière Clinicienne Spécialisée (ICLS, c'est ainsi que les infirmières au bénéfice d'un Master en sciences infirmières sont nommées dans le CHU de Lausanne). Un mandat d'ICLS à 50 % comme adjointe à la direction des soins du CHU pour travailler sur deux gros domaines : reprendre la gestion de l'objectif "Zéro Escarres + plaies et cicatrisation" du CHU et aussi les "méthodes de soins" c'est-à-dire procédures, protocoles. Il s'agit de faire une proposition d'uniformisation renforcée. Ces deux mandats concernent toute la cité hospitalière multi-sites dans la ville, des soins aigus, à l'hôpital de l'enfance et la psychiatrie ; ça fait environ 900 lits ...

Le deuxième mandat d'ICLS, à 40%, est consacré au pôle ou je travaille depuis 22 ans : l'appareil locomoteur (traumatologie, orthopédie, rhumatologie, chirurgie réparatrice et brûlés post soins intensif), où je suis chargée de superviser et soutenir les infirmières cliniciennes dans les services concernés, dans leurs missions, comme les itinéraires cliniques en construction, intégration de changements dans la pratique, etc... il y a aussi la formation continue en soins interne au pôle, que je dois désormais reprendre et réaménager. »

Tous ont compris en tous cas qu’ils devront prendre leur bâton de pèlerin pour faire connaître cette nouvelle compétence d’infirmier en pratiques avancées.

Que deviendront ces infirmiers demain ?

Ils ont presque tous repris leurs postes, pour certains ils ont dû se refaire une place. Tous ont des projets, qui demanderont plus ou moins de temps et d’engagement personnel. Certains attendus par des structures qui ont financé la formation, expliqueront et trouveront des appuis, devront convaincre leurs équipes de l’intérêt du changement. D’autres officialiseront des postes et initiatives déjà lancées avant le master. Et enfin quelques-uns devront créer et débroussailler une friche en prouvant le plus apporté par leurs nouvelles compétences, ils chercheront leurs appuis vers les instances et tutelles. Des rapports récemment parus2 prouvent l’intérêt économique de la coordination des soins et la coopération entre professionnels. Ces chiffres viennent apporter un intérêt à la création de ces nouveaux rôles.

- La direction de l’établissement où exerce Linda lui demande de travailler sur des projets liant coordination des soins et formation, car en effet une directive nationale oblige les IFSI à intégrer les plans de santé publique dans les formations initiales.

- Pierrette a repris son exercice libéral tout en préparant un projet de coordination en ambulatoire. Elle s’est rapprochée de la fédération des maisons de santé pluridisciplinaires et de l’ARS Guadeloupe. Son travail de mémoire intéresse les professionnels de tous secteurs, dans sa région car trop peu d’écrits existent sur la profession infirmière. Mais elle craint que cette formation étant trop peu connue, ne permette pas aux nouveaux diplômés de s’investir dans des postes qui n’existent pas encore.

- Pauline a réintégré son poste au sein du centre de cancérologie d’Aix-en-Provence et participe à la rédaction d'une charte pour les participants aux réunions RCP ainsi qu’à un affichage à destination des patients et de leurs aidants naturels. Elle devient membre du comité d'éthique dont la première réunion s’est déroulée le 6 septembre 2012 et nous avoue « …d'autres changements viendront et je saisirai les occasions ! »

- Pascal assure des consultations IPAg (infirmier de pratique avancée en gérontologie) au sein d'un réseau gériatrique parisien payées pour le moment sur les fonds MIGAC (missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation) et fait des remplacements auprès de plusieurs cabinets parisiens en attendant que les choses se concrétisent. Et pour tous les projets en cours, il espère pouvoir nous en dire plus dans 3 mois sur l'état de leurs avancements…

- Véronique avoue quelques craintes :  « mes principales craintes dans ces deux mandats, c'est d'une part la quantité et la lourdeur des projets à gérer et les enjeux puisqu'il s'agit "d'assurer" à un niveau direction CHU et pas seulement direction d'un service. Je navigue donc en ce moment entre motivation et excitation… Dans un monde idéal, un poste d'ICLS au niveau du pôle m'aurait tout à fait convenu car il y a beaucoup de choses passionnantes encore à développer et je suis pour une présence accrue des ICLS sur le Terrain de l'action !!! »

Demain, nous retrouverons certainement certains d’entre eux, dans les couloirs de l’université pour être de nouveau des pionniers, cette fois vers le doctorat en sciences infirmières. Que leur route soit belle !

Notes

  1. Le financement FIFPL entraînait une majoration des frais universitaires supérieure au montant alloué. Les billets d’avion pour formation continue ne bénéficient de l’aide continuité territoriale que pour les demandeurs d’emploi et pour les moins de 26 ans.
  2. Deux milliards d'euros possiblement « économisables » grâce aux hospitalisations évitables, évalué par le HCAAM.

Pierrette MEURY
Infirmière à domicile, le Moule, Guadeloupe.
Rédactrice Infirmiers.com
Administratrice nationale Sniil, vice présidente Sniil971.
- Master 2 sciences cliniques infirmières spécialité « coordination parcours de soins »
- Diplômes universitaires : Soins palliatifs, douleur, plaies et cicatrisation, niveau 2 éducation thérapeutique. Certificat coaching ( ICIcoach).
pmeury@wanadoo.fr


Source : infirmiers.com