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AU COEUR DU METIER

Officialisation de l'exercice infirmier en pratique avancée

Publié le 19/07/2018

Attendus, espérés… et enfin obtenus. La lutte a été âpre, menée des mois durant par les représentants infirmiers. Auditions, débats, discussions houleuses, levée de boucliers des uns et des autres par trop de prérogatives accordées ou, au contraire, pas assez… En ce 19 juillet 2018, la parution au JO de deux décrets et trois arrêtés officialisent l'exercice infirmier en pratique avancée, nouvelle voie d'évolution et d'expertise pour la profession. Décryptage.

Ces cinq textes réglémentaires officialisant l'exercice infirmier en pratique avancée représentent les premières bases, solides, d'un nouveau métier riche de nouvelles perspectives et reconnaissant une expertise infirmière porteuse d'avenir pour le système de soins dans son entier.

Cinq textes réglementaires - deux décrets et trois arrêtés émanant du Minsitère des Solidarités et de la Santé et du Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation (cf. notes) - spécifient à présent et encadrent réglementairement l'exercice infirmier en pratique avancée.

Agnès Buzyn, l'avait souligné le 9 juillet dernier l’entrée en formation en septembre des premiers étudiants dans près d’une dizaine d’universités est une réalité. L’exercice par des professionnels paramédicaux de compétences habituellement dévolues aux médecins constitue une innovation majeure qui facilitera l’accès aux soins pour certains patients atteints de pathologies chroniques. De son côté, l'Ordre national des infirmiers, par la voix de son Président Patrick Chamboredon , se réjouissait de cette avancée professionnelle qui, pleinement inscrite dans une logique d’universitarisation de la profession , confirme également la meilleure reconnaissance du rôle des infirmiers auprès des patients. Il s’agit désormais de mettre en place au plus vite l’offre de formation afin d’être en mesure de former dès la rentrée prochaine les premiers infirmiers en pratique avancée.

Cinq textes pour encadrer un nouveau métier infirmier...

Rappelons, qu'initialement, c’est l’article 119 de la loi de modernisation du système de santé de janvier 2016 qui créée le métier d’auxiliaire médical en pratique avancée en France au sein du Code de la santé publique. Il est placé dans le chapitre II « Innover pour préparer les métiers de demain », afin de garantir la pérennité de notre système de santé. Ainsi, l’Art. L. 4301-1 précise les domaines d’intervention ainsi que les conditions et les règles de l’exercice en pratique avancée. A noter que Le professionnel agissant dans le cadre de la pratique avancée est responsable des actes qu’il réalise dans ce cadre. La loi de santé mentionne dans l’article 119 les auxiliaires médicaux. C’est la profession infirmière qui est la première concernée par cette évolution.

L'infirmier exerçant en pratique avancée dispose de compétences élargies par rapport à celles de l'infirmier diplômé d'Etat, qui seront validées par un diplome d'Etat d'infirmier en pratique avancée délivré par les universités.

Infirmier de pratique avancée : une profession "non prescrite"

Le métier infirmier (ou rôle) en pratique avancée (IPA) ne doit pas se penser en actes, mais d’avantage en missions, voire activités, qui sont prévues dans un champ dérogatoire à l’activité courante infirmière. Ainsi, nous ne parlerons pas « d’exclusivité d’actes » pour les IPA mais de champ élargi de compétences. La loi prévoit des activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage, des actes d’évaluation et de conclusion clinique, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et para-clinique. Certains des actes autorisés « sur prescription médicales » de l’Article R4311-7 du Code de la santé Publique pourront être effectués sans prescription médicale par un IPA comme par exemple : prélèvement sanguin, recueil aseptique des urines, pose de bandes de contention, branchement, surveillance et débranchement d'une dialyse rénale, péritonéale ou d'un circuit d'échanges plasmatique…

Les patients concernés sont atteints de pathologies chroniques stabilisées (avec prévention et polypathologies courantes en soins primaires), ou issus du champ de l'oncologie/hémato-oncologie ou de la maladie rénale chronique/dialyse/transplantation rénale. Le champ de la santé mentale devrait être ouvert à la pratique avancée pour la rentrée 2019.

Le médecin, après concertation avec le ou les IPA, détermine les patients auxquels un suivi par un infirmier exerçant en pratique avancée est proposé. Cette décision est prise après examen du dossier médical du patient et en référence aux compétences attestées par le diplôme d'Etat de l'infirmier en pratique avancée, délivré par l'université. Le médecin et l'infirmier exerçant en pratique avancée partagent les informations nécessaires au suivi du patient. Le médecin met à la disposition de l'infirmier exerçant en pratique avancée le dossier médical du patient. Les résultats des interventions de l'infirmier exerçant en pratique avancée sont reportés dans le dossier médical et le médecin en est tenu informé. La transmission de ces informations se fait par des moyens de communication sécurisés.( Art. R. 4301-5.)

Lorsque l'infirmier exerçant en pratique avancée constate une situation dont la prise en charge dépasse son champ de compétences, il adresse le patient sans délai au médecin et en informe expressément ce dernier afin de permettre une prise en charge médicale dans un délai compatible avec l'état du patient.

Dans le cadre de ses compétences, l’IPA sera autorisé à prescrire : des médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire figurant sur la liste établie par l'ANSM en application de l'article R. 5121-202 du code de la santé publique, des examens complémentaires et demander des actes de suivi et de prévention nécessaires au suivi du patient, renouveler ou adapter des prescriptions médicales en cours, prescrire des dispositifs médicaux et des renouveler des prescriptions d’actes infirmiers. Ainsi, il pourra adapter le suivi du patient en fonction des résultats des actes techniques et des examens complémentaires pratiqués, avec information sur le dossier partagé du patient. Les examens complémentaires et actes technique et de suivi que l’IPA est autorisé à pratiquer ou prescrire sont listé sur un arrêté.

L'infirmier exerçant en pratique avancée est compétent pour conduire un entretien avec le patient qui lui est confié, effectuer une anamnèse de sa situation et procéder à son examen clinique.

A retenir

« Art. D. 4301-8. - L'infirmier est autorisé à exercer en pratique avancée dans l'un des domaines d'intervention prévus à l'article R. 4301-2, s'il remplit les conditions suivantes :

  • « 1° Obtenir le diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée délivré par les universités dans les conditions définies à l'article D. 636-81 du code de l'éducation, dans la mention correspondant au domaine d'intervention ;
  • « 2° Justifier de trois années minimum d'exercice en équivalent temps plein de la profession d'infirmier ;
  • « 3° Etre enregistré auprès du service ou de l'organisme désigné à cette fin par un arrêté du ministre chargé de la santé. »

• Décret n° 2018-629 du 18 juillet 2018 relatif à l'exercice infirmier en pratique avancée

Accès à la formation 

Les premières entrées officielles en formation IPA sont prévues pour septembre 2018.  Pour accéder à la formation universitaire de master en pratique avancée, il faut être titulaire d’un diplôme d’Etat infirmier ou d’une équivalence européenne. Le master est accessible en formation initiale et continue, mais attention : tout comme pour les autres spécialités, pour pouvoir exercer dans le champ de la pratique avancée une expérience professionnelle de 3 ans est requise, ce rôle s’exerçant sur un niveau expert. Les candidats déposent un dossier auprès d’une université dispensant la formation conduisant au diplôme d’Etat d’infirmier en pratique avancée (DEIPA) en précisant la mention de la formation qu’ils souhaitent suivre. La procédure, le calendrier, la composition du jury d’admission sont fixés par chaque établissement d’enseignement supérieur accrédité à délivrer le DEIPA.

Certaines universités ont déjà proposé une offre de formation comme à Aix-Marseille Université, Université Versailles Saint-Quentin, Toulouse, Rennes 1, Université Paris Est Créteil, Nantes, Sorbonne Université, Paris Descartes, Paris Diderot, Rouen, Caen, Dijon, Limoges en co-accréditation avec Bordeaux.

Le diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée est ouvert en formation initiale (à la suite de l'obtention du DEI - licence-) et en formation professionnelle continue. Néamnoins l'expérience requise pour exercer en pratique avancée est fixée à trois ans en équivalent temps plein de la profession d'infirmier.

Le déroulement de la formation

La formation conduisant au diplôme d’Etat d’infirmier en pratique avancée (DEIPA) est structurée en quatre semestres validés par l’obtention de 120 crédits européens. Le DEIPA confère à son titulaire le grade de master. Les enseignements sont organisés sous forme d’unités d’enseignement articulées entre elles en cohérence avec les objectifs de la formation et les compétences à acquérir. Une mutualisation de certains enseignements avec d’autres formations en santé peut être mise en place. L'organisation de la formation et le suivi pédagogique s’inscrivent en cohérence avec les objectifs et contenus pédagogiques définis dans le référentiel de formation.

Les deux premiers semestres de la formation conduisant au DEIPA correspondent à un tronc commun d’enseignement. A l’issue du deuxième semestre, les étudiants choisissent une mention qui fait l’objet d’enseignements spécifiques aux semestres 3 et 4.  Des stages sont prévus d’une durée minimale de 2 mois en S2 et 4 mois en S4. Les terrains de stage dans lesquels sont affectés les étudiants sont agrées par le directeur de l'unité de formation et de recherche ou de la structure dispensant la formation, sur proposition du binôme composé du personnel sous statut enseignant et hospitalier ou enseignant titulaire de médecine générale et d'un infirmier intervenant dans la formation.

Un mémoire de fin d’études est demandé avec une soutenance orale devant un jury composé d’enseignants infirmiers et hospitaliers et d’une personne étrangère à la structure. Le sujet du mémoire est validé par l'équipe pédagogique. En fonction de leur projet professionnel, ce mémoire est soit un mémoire bibliographique fondé sur une analyse critique de la littérature, soit une analyse de pratiques professionnelles, soit un mémoire consistant en une analyse critique, s'appuyant sur l'expérience clinique et s'inscrivant dans un champ théorique déterminé, soit un mémoire de recherche. Dans ce dernier cas, le directeur du mémoire est un enseignant-chercheur ou un chercheur.

Le DEIPA est délivré aux étudiants qui ont validé l’ensemble des enseignements, des stages et soutenu avec succès le mémoire. Ce diplôme pourra aussi - et dans certaines conditions qui restent à préciser - être obtenu par VAE  (Art. D. 636-80).

Un contenu ad hoc

Le contenu de cet enseignement est varié, mais reste très axé sur la clinique. En effet plusieurs Unités d’Enseignement (UE) portent sur la clinique (35 ects), durant les 2 ans, afin d’apporter des connaissances en sémiologie, classes thérapeutique, mécanismes d’actions des médicaments, conduite d’un examen clinique, sur les principaux types d’examens complémentaires, marqueurs pathologiques, le bon usage du médicament, les référentiels et recommandations de bonnes pratiques…  Une UE est destinée à acquérir les connaissances en anglais médical, une autre sur « sciences infirmières et pratique avancée », un volet « Responsabilité, éthique, législation, déontologie », une UE « formation et analyse des pratiques professionnelles », de la santé publique, le renforcement des compétences numériques et de la méthodologie de recherche.  Puis en 3eme semestre, chaque parcours selon l’orientation choisie est développé avec une approche similaire : bases fondamentales/ clinique/parcours de santé. Le 4eme semestre est consacré au stage clinique.

Les compétences acquises

Le but du master est de permettre aux infirmiers de développer des compétences afin élargir les champs d’intervention auprès des patients en vue d’optimiser leur prise en charge, notamment :

  • compétences cliniques (examen clinique, consultation, orientation) ;
  • compétences en leadership (introduction d’innovation dans la pratique) ;
  • compétences en formation (auprès du patient et de ses pairs) ;
  • compétences en recherche (principalement en soins infirmiers).

Rappelons que le référentiel de compétences précise que l’IPA aura une autonomie dans les prises de décisions complexes, ne sera pas une profession « prescrite » car le patient sera orienté vers l’IPA par son médecin, en vue de son suivi. Un protocole d’organisation permet à l’IPA de définir avec chaque médecin les contours de son intervention, les périodes où le patient sera revu en consultation médicale et le mode de communication entre les professionnels de santé. La formation permet à un IPA d’acquérir un haut niveau d’expertise, et le décret précise une totale responsabilité de l’IPA quant aux conséquences de ses prises de décision, lui permettant d’assumer des responsabilités nouvelles.

A retenir

« Art. D. 636-75. - La formation conduisant au diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée est structurée en quatre semestres validés par l'obtention de 120 crédits européens. Le diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée précise la mention acquise correspondant au domaine d'intervention de l'infirmier en pratique avancée, prévue à l'article R. 4301-2 du code de la santé publique.
« Il confère à son titulaire le grade de master.

 Décret n° 2018-633 du 18 juillet 2018 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée



Les enseignements conduisant au diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée comprennent des enseignements théoriques, méthodologiques, appliqués, pratiques et cliniques ainsi que l'accomplissement de stages. Ces enseignements comportent un adossement et une initiation à la recherche. Ils tiennent compte des priorités de santé publique.

Quelques questions adjacentes

Sur la question des infirmiers déjà formés (master Sciences cliniques infirmières - Université Marseille/EHESP (2009) et Sciences cliniques en soins infirmiers Université de Sainte-Anne/Saint-Quentin (2011) - Florence Ambrosino, infirmière "masteurisée" à Marseille et membre du GIC-REPASI, précise qu'un système de VES (validation des études supérieures) est d'ores et déjà proposé à Marseille aux personnes titulaires d’un master en Sciences cliniques infirmières, moins long et moins coûteux qu’une VAE. Toutes les compétences déjà acquises via des diplômes ou stages sont définies et comparées aux compétences restant à acquérir pour valider son DEIPA. Un parcours personnalisé est proposé qui permettra au futur IPA de valider certaines UE manquantes lors de son premier cursus, en particulier les modules portant sur la clinique et la prescription. Quant à la question du financement de ce diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée, il pourra être pris en charge par l’employeur. En libéral, poursuit Florence Ambrosino, le FIFPL peut prendre en charge une partie des frais pédagogiques, à hauteur du budget alloué annuellement (autour de 1 000€). Il a également été envisagé par la DGOS que les libéraux pourraient bénéficier d’une indemnisation pour compenser leur perte d’activité durant le master. Mais qui assurerait ce financement ? l’état ? les ARS ? La question reste posée, mais des perspectives intéressantes sont cependant lancées. A titre indicatif les frais pédagogiques d’une année de formation se situent autour de 5 000€.

Enfin, si la question de la rémunération de ces professionnels infirmiers bac +5 (master) n'est pas abordée dans les textes réglementaires, Agnès Buzyn et Frédérique Vidal, souligne par communiqué que cette nouvelle pratique et ces nouvelles compétences bénéficieront d’une reconnaissance en termes de statut et de rémunération, aussi bien dans le cadre de la fonction publique hospitalière qu’au sein des équipes de soins primaires. Elles poursuivent en ouvrant quelques perspectives supplémentaires : l’exercice infirmier en pratique avancée est une première étape, elle sera étendue à d’autres prises en charge et à d’autres professions paramédicales.

Cette nouvelle pratique et ces nouvelles compétences bénéficieront d’une reconnaissance en termes de statut et de rémunération, aussi bien dans le cadre de la fonction publique hospitalière qu’au sein des équipes de soins primaires.

Nouvelles règles de partage entre professionnels de santé : c'est parti !

Saluons donc aujourd'hui ces avancées très significatives pour la profession infirmière. Ces cinq textes réglémentaires officialisant l'exercice infirmier en pratique avancée représentent les premières bases, solides, d'un nouveau métier riche de nouvelles perspectives et reconnaissant une expertise infirmière porteuse d'avenir pour le système de soins dans son entier.

Par communiqué, l'Ordre national des infirmiers réagit. Pour le Président de l'ONI , la création de la pratique avancée en soins infirmiers ouvre la voie à de nouvelles règles de partage entre professionnels de santé. Même si les textes auraient pu aller plus loin en donnant davantage d’autonomie aux futurs infirmier(e)s en pratique avancée, la création de ce nouveau professionnel de santé constitue une réelle avancée pour la profession, d’une part, mais surtout pour l’amélioration de l’accès aux soins. Notre système de soins a besoin de cet intermédiaire entre les médecins et les infirmiers.

Quant à la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi), partie prenante des âpres débats, elle se félicite de la parution des textes réglementaires par voie de communiqué. C’est un premier pas important vers l’autonomie et l’émancipation de la filière infirmière. Le sujet faisait polémique dans le monde de la santé ces derniers mois. Et pour cause, il ne répond pas entièrement aux attentes de la profession ou des futurs soignants. Néanmoins, il s’agit d’une évolution significative du monde de la santé qui se concrétise. La France est très en retard dans le domaine des sciences infirmières comparée à d’autres pays d’Europe et plus largement à l’international : la Suisse, le Liban, le Canada... A l’heure où les besoins de santé de la population sont en pleine mutation, les infirmiers en pratique avancée sont une réponse cruciale aux enjeux de santé publique actuels et à venir. La Fnesi demande néanmoins à ce que les financements des diplômés infirmiers souhaitant réaliser un master soient à la hauteur des enjeux afin de ne pas provoquer la précarisation de ces étudiants.

Enfin, du côté de l'Anfiide et du GIC REPASI, beaucoup de fierté affirmée devant cette avancée majeure. Ce décret est une première marche vers l'autonomie, la reconnaissance de l'expertise infirmière dans une approche transversale.

Le gouvernement espère créer 5 000 postes d'IPA dans les équipes de soins libérales et hospitalières à l'horizon du quinquennat.

Notes

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern

Florence AMBROSINO
Master en sciences cliniques infirmières
Copil du Gic REPASI/ANFIIDE
Membre du comité de rédaction d'Infirmiers.com 
fambrosino13@gmail.com
@fambrosino13


Source : infirmiers.com