Le rapport Hénard ne propose pas de liste, mais une démarche passant par une réflexion sur les besoins de santé et les métiers actuels, conçus comme les "socles" de ceux à venir.
L'émergence de nouveaux métiers en santé pourrait s'articuler en neuf étapes successives, après la mise en place préalable de programmes nationaux de coopérations interprofessionnelles destinés à évaluer leur pertinence, suggère la mission présidée par le député Laurent Hénart (UMP, Meurthe-et-Moselle) sur les métiers en santé de niveau intermédiaire.
La rédaction de ce rapport, remis mercredi au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, Xavier Bertrand, à la secrétaire d'Etat chargée de la santé, Nora Berra, et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, avait été confiée en mai 2010 à Laurent Hénart, au Pr Yvon Berland et à Danielle Cadet.
Dans ce rapport d'une cinquantaine de pages, les trois auteurs considèrent que "le besoin de métiers en santé de niveau intermédiaire est évident et leur création doit être pensée et décidée avec volontarisme et cohérence après avoir bien pris en compte le champ d'intervention des métiers socles", mais renvoient à des travaux ultérieurs le soin de déterminer ces métiers.
Ils établissent une série de neuf propositions reposant sur quatre "piliers": la mise en place d'une politique modernisée des ressources humaines en santé, la création de professions de santé de niveau intermédiaire, encadrée par un système rigoureux de validation, tout en intégrant les formations à l'enseignement supérieur.
Les deux premières parties du rapport dressent le constat de la situation actuelle, soulignant notamment l'écart important de durée entre les différentes formations proposées (de 3 à 11 ans après le baccalauréat), le cloisonnement entre professions induit par le cadre légal aboutissant à un "véritable permis de soigner", et des modes de rémunération "relativement rigides".
S'appuyer sur les coopérations interprofessionnelles
Dans ce cadre, ils considèrent que la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST) a introduit dans son article 51 sur les coopérations interprofessionnelles un puissant facteur d'évolution sur lequel il serait souhaitable de s'appuyer dans un premier temps pour favoriser l'émergence de nouveaux métiers. "Dès lors que les tâches sont réparties autrement, les contours des métiers sont appelés à être confirmés ou à évoluer, des métiers nouveaux, notamment à l'interface des métiers médicaux et paramédicaux, vont apparaître à partir de compétences élargies et les formations et qualifications doivent être revisitées".
La mission souhaite que le dispositif prévu par l'article 51 de la loi HPST soit consolidé en engageant des "programmes nationaux" s'appuyant sur des protocoles, en concertation avec la Haute autorité de santé (HAS), le ministère de la santé et les agences régionales de santé (ARS), et visant "quelques grands domaines de santé" afin de mesurer la pertinence de nouveaux métiers en santé et de nouveaux modes d'exercice.
Les programmes pourraient concerner le suivi du diabète, des hépatopathies et des maladies respiratoires chroniques, le suivi des patients transplantés, le suivi de patients présentant des troubles cognitifs, le suivi de patients atteints de pathologies entrant dans le cadre du vieillissement et de la dépendance ou les malades atteints de pathologies cancéreuses.
Partir des besoins de santé
La mission suggère que "l'enchaînement conduisant, à partir du besoin en santé, à l'officialisation d'un métier de niveau intermédiaire" s'effectue en neuf étapes:
- le repérage, au niveau national, des besoins nouveaux ou à couvrir et des champs de santé concernés
- la définition des compétences requises pour satisfaire les besoins
- le cadrage des modes d'exercice a priori pertinents (champ des délégations)
- la détermination et l'organisation des formations nécessaires à un niveau master, à partir du "métier socle" existant et dans le cadre du développement professionnel continu (DPC)
- la formation des professionnels sur une durée impliquant l'obtention d'un master à partir du "métier socle"
- l'exercice par des professionnels formés
- l'évaluation de la situation, régulière puis globale à trois ou quatre ans
- l'identification de la nécessité ou non du métier de niveau intermédiaire
- la création, si sa nécessité est constatée, du métier de niveau intermédiaire reposant sur des missions (activité médicale à compétence définie) et non sur un décret d'actes.
Ce schéma de développement illustre la première proposition de la mission, qui suggère d'inverser "le paradigme" actuel conduisant du diplôme au métier, vers une recherche en amont des besoins de la population, une définition des activités de santé nécessaires pour y répondre, puis des compétences, du métier, de la formation, aboutissant au diplôme. La mise en place de cette "démarche métiers" devrait être assurée aux niveaux national, régional, et des établissements.
Conforter l'existant tout en engageant une réflexion globale
La mission recommande ensuite de "conforter et développer" les "métiers socles" existants, "auxquels s'attache, sauf exception, un diplôme ou certificat", en prenant pour référence l'inscription au répertoire national des emplois et métiers de la fonction publique hospitalière. Elle appelle toutefois à une "réflexion globale d'ampleur" sur les professions de santé actuelles, "partant du principe qu'il ne servirait à rien et qu'il pourrait même s'avérer contre-productif d'envisager la création de nouveaux métiers sans une remise en ordre dynamique des métiers existants".
A cet égard, en évoquant le processus de Bologne et la mise en oeuvre du système LMD (licence, master, doctorat), la mission considère que "s'il semble nécessaire que certains professionnels paramédicaux accèdent à un niveau universitaire plus élevé que la licence, il ne paraît pas justifié d'élever systématiquement l'ensemble des diplômes actuels au niveau du master".
A titre d'exemple, elle estime que les spécialisations infirmières (puériculture, infirmier de bloc opératoire, infirmier anesthésiste), impliquant un niveau de compétence, de technicité et de qualification supérieur, pourraient logiquement être reconnues à un niveau supérieur à celui de la licence, sans constituer pour autant une nouvelle profession de santé intermédiaire.
Des professionnels pour les soins et d'autres "au service de la santé"
Si la mission évoque quelques métiers émergents, elle renvoie à d'autres le soin de "cerner le champ des nouveaux métiers en santé", soulignant qu'il comprend les professionnels de santé stricto sensu et les professions "au service de la santé", à l'image par exemple de la fonction de gestion des plateaux techniques "qui doit relever de compétences spécifiques en ingénierie". Elle préconise toutefois la création d'une profession de "paramédical praticien" intervenant en seconde intention, en relais du médecin.
Ces futurs métiers devront être "construits à partir des métiers paramédicaux d'aujourd'hui", ne pas être "redondants avec un métier existant", correspondre "à un mode d'exercice professionnel et des responsabilités identifiées" et ayant "vocation à constituer à terme des professions médicales à compétence définie".
Les auteurs jugent nécessaire de "valoriser les parcours professionnels" et adapter les rémunérations au niveau des responsabilités exercées, soulignant que la création de nouveaux métiers nécessitera de "légitimer" leur place par rapport aux métiers existants.
Un tel processus de création, devra être particulièrement encadré, grâce aux programmes nationaux lancés dans le prolongement de l'article 51 sur les coopérations. A cet égard, la mission juge inévitable la suppression progressive des "décrets d'actes" des professions de santé non médicales dérogeant au monopole médical, "au bénéfice d'un mécanisme de champ d'exercice fixé par la loi au travers de missions (exercice d'une activité médicale à compétence définie)".
Enfin, la mission juge indispensables de mettre en place les filières universitaires adéquates permettant de positionner les nouveaux métiers au sein du système LMD, et de simplifier le dispositif actuel des compétences croisées en matière de formation en redonnant compétence à l'Etat sur l'ensemble des questions de formation aux professions paramédicales de niveau licence.
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