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A lire - Entre « cure » et « care », pour un soin équilibré

Publié le 17/01/2013
A lire - Entre « cure » et « care », pour un soin équilibré

A lire - Entre « cure » et « care », pour un soin équilibré

Entre Cure et Care les enjeux de la professionnalisation

Entre Cure et Care les enjeux de la professionnalisation

Cet ouvrage propose d’analyser l'évolution du métier d'infirmier et du système de santé au cours du XXème siècle pour expliquer avec profondeur les racines des difficultés actuelles. Le défi du XXIe siècle pour les soignants : comprendre les enjeux et envisager des stratégies d’avenir qui réhumanisent le soin...

En prenant des images comme « l’œil, le bras, la main du médecin » ou « la jambe de l'amputé », Eliane Rothier Bautzer, Maître de conférences en Sciences de l’Education à l’Université Paris Descartes - Sorbonne Paris Cité, semble mettre en évidence le fait que le métier de l'infirmière a été construit à l'image de la créature du Docteur Frankenstein. Dans un premier temps subordonnée aux besoins du médecin, elle va progressivement chercher son identité propre en étant à l'écoute des besoins spécifiques des patients.

Au point de contact entre les évolutions médicales et sociétales, autrement dit entre le médecin et le patient, l'infirmière prend de plein de fouet les changements de fond de notre époque. Confrontant le curatif (cure), essentiellement technique, au « prendre soin » (care), qui s'étale sur une plus longue période avec une dominante relationnelle, c'est toute la complexité de la position du soignant qui est synthétisé par ces deux notions.

Pour démontrer l'importance de ces deux aspects du soin, l’auteure nous propose de relire l'évolution historique du métier d'infirmier. Son ouvrage fourmille de témoignages qui nourrissent le propos. Ainsi la parole est donnée tout autant à l'étudiant en soins infirmiers qu'à l'ancienne infirmière aujourd'hui retraitée. Ces anecdotes personnelles sont autant d'expériences, voire de perles de sagesse, qui illustrent la pluralité des approches d'un même métier.

« Sous-estimer le travail de « care », du « prendre soin » revient à mettre en péril les possibilités curatives »

En substance, l'auteure décrit la situation comme suit. Le XXème siècle a connu un changement profond du rapport aux patients. S'ils étaient vus avant de par leurs aspects anatomo-cliniques, le point de vue médical se focalise désormais en fonction des spécialités de plus en plus techniques de chaque branche. Cette direction permet d'améliorer l'efficacité des traitements pour les patients conformes aux pathologies ciblées ; mais les patients aux pathologies plus complexes se retrouvent souvent mis de côté. En suivant l'optimisation de la technique, ce ne sont plus seulement les patients complexes qui sont évités mais insidieusement l'ensemble de la complexité de la dimension humaine, qu'elle se trouve chez le patient ou chez le soignant lui-même. En conséquence, l’aspect technique des soins domine.

L’évolution des programmes de formation initiale des infirmiers témoigne d’un profond changement d’inclinaison en compensation directe aux orientations médicales. Alors que, dans les années 50, la formation pratique était 44 fois plus importante que la formation théorique, le rapport passe à 1,4 dans les années 80. Mais cette évolution s'est mise en place lentement et difficilement car les infirmières se devaient de répondre en priorité aux besoins médicaux.

Si la pratique curative est de plus en plus mise de côté, c’est pour laisser la place à une autre forme de soin, plus sociale et plus préventive, qui correspond aux exigences nouvelles liées à l'efficience des soins. Plus de vies sont sauvées, mais cela implique un suivi sur le long cours d'un nombre croissant de patients chroniques.
Par le rejet du care au niveau médical, c'est l'ensemble de l'interpersonnel qui est nié au profit de la technicité vue comme aboutissement scientifique du soin. Ce modèle professionnel qui a institutionnalisé la tarification des actes (T2A) renvoie alors le care à un niveau quasi profane alors même que la société prône un idéal d'autonomie que véhiculent les patients et qui provoque un renforcement du fossé et du malaise entre les soignants spécialisés et les patients de plus en plus impliqués. Ainsi, les associations de patients s'imposent progressivement en s'organisant et sans doute que leurs implications dans le domaine de la santé influera de façon positive sur les blocages en faisant notamment pression sur les pouvoirs publics. L'auteure voit dans cette innovation sociale une mobilisation susceptible de les forcer à mettre en place un système de soin plus humain et plus adapté à la réalité du terrain.

Le cure et le care sont donc deux facettes complémentaires d'un métier qui conjugue les enjeux médicaux de plus en plus techniques, un parasitages des lobbies d'entreprises, l'augmentation du nombre des patients chroniques et leurs implications croissantes sur leur situation pour s'autonomiser.

« De la nécessité pour les soignants de construire avec les patients, une nouvelle culture du soin... »

Cet ouvrage est une très bonne synthèse des mutations que connaît aujourd’hui le système de santé. Au travers du récit de vie de l'infirmière depuis 50 ans, c'est l'ensemble de l'institution de soins qui est analysée, mettant en lumière, s'il était encore besoin de le faire, le rôle central du soignant dans son évolution et dans sa réhumanisation aujourd’hui indispensable.

  • Rothier Bautzer E., Entre cure et care, Les enjeux de la professionnalisation infirmière, Collection Fonction Cadre de santé, Gestion des ressources humaines, Edition Lamarre, 294 p., 28 €.

Cyril JOANNES
Psychologue clinicien
Rédacteur Infirmiers.com
cyril.joannes@izeos.com


Source : infirmiers.com