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MODES D'EXERCICE

Le Québec : une destination de rêve pour les infirmières françaises ?

Publié le 10/10/2012
Quebec je me souviens

Quebec je me souviens

Le 30 juin 2010 était signé un arrangement des reconnaissances mutuelles (ARM) des diplômes infirmiers en France et au Québec, tout juste deux ans avant que les premières infirmières françaises « licenciées » avec un diplôme d’état grade licence ne voient le jour… Qu’est-ce que ça change ? Si des dispositions réglementaires existent, des deux côtés de l’Atlantique ce n’est pas vraiment pareil...

Soulignons d’emblée que dans cet arrangement des reconnaissances mutuelles (ARM), il est fait état de l’impossibilité pour les infirmières techniciennes québécoises, sortant des collèges d'enseignement général et professionnel (cégep) où est offerte une formation technique et pré-universitaire et pouvant, de fait, émettre un diplôme d’études collégiales (DEC) de pouvoir exercer en France du fait de la différence d’heures de formation. La mutualité de la reconnaissance ne semblait donc pouvoir pendre qu’une seule forme : l’infirmière clinicienne québécoise est l’équivalent de l’infirmière diplômée d’état française. Un arrêté permettant la reconnaissance des diplômes d'infirmiers québécois exerçant en France est ensuite paru le 3 janvier 2012 au Journal officiel (texte 14) et Maude S., une infirmière québécoise de 31 ans, a obtenu en juin 2012 la reconnaissance de ses qualifications professionnelles pour exercer sa profession en France .

Des titres d’emploi différents

Au Québec, il existe plusieurs niveaux de reconnaissance pour les infirmières :

- infirmière auxiliaire : une formation de 1800 heures, des actes techniques (prise de sang, pansement, pose de perfusion sans produits médicamenteux, etc…) mais aucune évaluation : elles ouvrent le pansement, appellent l’infirmière qui évalue l’évolution et qui dicte le nouveau pansement  qui doit être réalisé. Ce niveau de compétences a été développé pour faire face à la pénurie d’infirmières (il n’était pas rare qu’elles fassent 16 heures d’affilée...) et a été acceptée par la force des choses;

- infirmière technicienne : diplôme d’études collégiales (DEC), durée trois ans, post-secondaire;

- infirmière clinicienne : diplôme universitaire, durée trois ans.

En France, les choses sont beaucoup plus simples : les infirmières disposent à l’issue de leur formation post-bac en trois années d’un Diplôme d’état d’infirmier (diplômées avant 2012) et depuis juin 2012 d’un Diplôme d’état en soins infirmiers grade licence.

Le Regroupement des Infirmiers Français au Québec (RIFQ), né de la volonté de quelques infirmières de faire reconnaître leurs compétences et de faire appliquer l’ARM pour ce qu’il est, a mis en évidence que de toutes ces formations existantes, c’est le Diplôme d’État (programme de 1992) qui est la plus complète sur les plans théorique et clinique. Si la formation qui totalise le plus grand nombre d’heures est la licence française obtenue en 2012, celle-ci comporte 900 heures de travail personnel. Elle ne représente malgré tout que 340 heures de plus que le programme de 1992, ce qui représenterait une différence de 8 heures de travail personnel par mois (dans lesquels il faudrait intégrer la réalisation des démarches de soins, les recherches pour la réalisation de l’action de santé publique, les recherches et la réalisation du TFE…). Dans un mémoire intitulé « La relève infirmière au Québec. Une profession, une formation », paru en juin 2012, on peut lire que les infirmières cliniciennes valident leur formation par, au maximum, 4725 heures, soit 105 crédits, chaque crédit comportant 15 heures de cours et 30 heures de travail personnel. Fort de cette réalité, il nous semblait impensable, nous diplômés français, programme 1992, ayant traversés l’Atlantique pour travailler au Québec, que nous ne soyons reconnus à un autre titre que celui de clinicien… Cette projection de notre reconnaissance était d’ailleurs renforcée, en juin 2011, par une note de synthèse de l’ OIIQ rappelant que, suite aux travaux effectués avec le ministère de la santé, le ministère de l'immigration et des communautés culturelles (MICC) et l'Association canadienne des écoles de sciences infirmières - Région du Québec (ACÉSI-RQ), il estime que les diplômés infirmiers français auraient deux types de reconnaissances (mais sur quels critères puisqu’il n’y a pas de différence entre les deux diplômes en France, celui d’avant 2012 et celui de 2012... ). Les infirmières diplômées de 2012 seraient reconnues cliniciennes en soins infirmiers et celles diplômées du programme de 1992, auraient le niveau « BAC en sciences » dont deux certificats en sciences infirmières, ce qui équivaudrait à un BAC par cumul de certificats et donc au statut de clinicienne.

Quelle reconnaissance actuelle pour les « programme 1992 » au Québec ?

Infirmières et infirmiers diplômés du programme de 1992 , nous sommes actuellement reconnus DEC+ 1 Certificat, ce qui se traduit par une non reconnaissance de nos compétences réelles et des conséquences immédiates : l’impossibilité de postuler sur certains postes, un salaire moins important, l’impossibilité de poursuivre directement notre cursus universitaire en maîtrise en sciences infirmières (cependant réponse variable selon les universités).

Le ministère précédent de l’immigration et des communautés culturelles (le MICC) nous a expliqué que l’existence de deux types de diplômes infirmiers français causait des difficultés d’interprétation… Nous estimons de notre côté que cette réponse est inadéquate et totalement injustifiée. En voici les principales raisons.

- Selon les accords cadre franco-québécois sur la reconnaissance des diplômes et la validation des études, du 20 Février 1996, le BAC français équivaut au DEC québécois et permet par conséquent l’accès aux études supérieures. Par conséquent pour nous Français qui étions titulaires d’un baccalauréat français pour pouvoir entrer en Institut de formation en soins infirmiers (IFSI), l’évaluation de nos études infirmières devraient donc commencer en post-DEC… L’argumentaire sur les pré requis pour pouvoir entrer en 1er cycle des Sciences infirmières n’est donc pas plus justifié puisque nos systèmes scolaires diffèrent. Est-il besoin de rappeler ici, que les lycées français au Québec jouissent d’une certaine image de qualité, validée par les universités locales puisque celles-ci admettent les étudiants qui en sortent avec un baccalauréat français au même titre que les étudiants ayant obtenu leur DEC… Rappelons que le Baccalauréat français s’obtient un an plus jeune qu’au Québec et que les études sont donc plus intenses.

- Le gouvernement précédent a travaillé avec l’OIIQ, l’ACESI-RQ, par sa présence à travers le ministère de la santé et le MICC, et est allé à l’encontre des conclusions apportées.

- Lors d’une rencontre fin septembre 2012 avec des membres du comité directoire de l’OIIQ, celui-ci nous a de nouveau confirmé qu’il partage notre avis sur le fait que nous devrions avoir la reconnaissance bachelière. Nous espérons donc que le nouveau gouvernement, en la personne de Pauline Marois, Premier ministre, prendra en compte l’avis des institutions représentatives précitées.

- Le DE programme de 1992 est la formation la plus complète et la plus importante en terme d’heures de formation… si on peut lire que le DEC comporte 1395 heures de formation de moins que le DE 92, on ne lit nulle part que la formation BAC Québécois a 35h de moins que le programme 92 et 375 de moins que la licence française, qui elle-même a moins de cours magistraux que l’ancien programme... Notre formation d’alors comportait bien évidement du travail personnel mais qui n’étaient pas pris en compte (approfondissement de cours, recherche santé publique, recherche du TFE, recherche sur les pathologies, la comorbidité et les médicaments pour nos démarches de soins sur nos stages...).

- Les prérogatives des infirmières françaises, peu importe le programme, sont aussi importantes que celles de nos collègues québécoises. En France nous pouvons déjà prescrire sous certaines conditions, former les étudiantes, être leur tuteur de stage, évaluer le travail de fin d’études, donner des cours en IFSI et faire des actes que ne peuvent faire les cliniciennes comme par exemple un prélèvement artériel (gaz du sang) ;

- Enfin, l’ARM a été signé avant que le nouveau diplôme de 2012 ne voit le jour et dans ARM, il y a le M qui signifie Mutuelle : un arrangement de reconnaissance mutuelle et non pas un arrangement avec l’arrangement... Nous n’exigeons pas en France que les cliniciennes fassent une formation complémentaire pour combler les différences qu’elles ont avec les infirmières françaises (on parle ici d’une différence de 800 heures de formation sur la pratique avec le DE de 1992, et de 500 avec le nouveau diplôme), le minimum est de procéder de même avec les diplômées françaises. Il est bien évident que nous n’avons pas les mêmes cours des deux côtés de l’Atlantique, de fait, on ne peut raisonnablement accepter qu’une des deux parties ne prennent en compte qu’uniquement les cours qu’elle a en plus (certaines matières) et pas ceux qu’elle a en moins!

« Au Québec, la situation ne nous aide pas car il existe en effet un « monstre à trois têtes » ce qui rend difficile la négociation »

Le Regroupement des Infirmiers Français au Québec (RIFQ)

Actuellement, les universités québécoises nous proposent de faire une année universitaire de plus pour pouvoir prétendre au titre de clinicienne… Certaines nous en propose même deux… Le Regroupement des Infirmiers Français au Québec (RIFQ) est né de la volonté de quelques infirmières de faire reconnaître leurs compétences et de faire appliquer l’ARM pour ce qu’il est, à savoir une reconnaissance mutuelle des connaissances et compétences. Au Québec, la situation ne nous aide pas car il existe en effet un « monstre à trois têtes » ce qui rend difficile la négociation :

- le MICC évalue les diplômes étrangers sur des critères indéchiffrables subjectifs et paradoxaux ; il peut reconnaître et donner l’équivalence d’un BAC Québécois (une licence française) sans que la formation française soit universitaire (exemple des assistants de service sociaux français qui sont reconnus BAC en travail social) et dans le même temps calculer les études différemment pour d’autres corps de métier;

- l’OIIQ peut ne pas être d’accord avec le MICC s’il reconnaît un diplôme infirmier et exiger que le postulant suive une formation supplémentaire, mais il ne peut pas exiger du MICC qu’il reconnaisse un diplôme…;

- les universités en sciences infirmières qui, elles, font ce qu’elles veulent puisqu’en autogestion : une nous proposait un an de formation supplémentaire une autre deux ans…vous pouvez avoir un BAC en sciences infirmières et ne pas être autorisé à faire une maîtrise…

Le seul décideur est cependant le MICC et il est important que le gouvernement français lui rappelle les termes des arrangements des accords franco-québécois. Le respect de ces termes est une condition essentielle à une coopération, collaboration de qualité, qui seules peuvent permettre un respect mutuel qui conduit à l’enrichissement mutuel. Les autorités Françaises nous ont assurées de leur soutien dans notre démarche, nous attendons maintenant d’eux un engagement rapide d’actions concrètes auprès de leur homologues Québécois. En effet, le gouvernement français n’a pas à rougir de la compétence des professionnels qui font fonctionner son système de santé, et si les médecins français sont reconnus de façon internationale sur un certains nombre de spécialités, c’est aussi dû à la qualité des soins infirmiers prodigués.

« Affirmons donc que l’on ne peut accepter que l’on brade la qualité de la formation infirmière française. »

Le Québec un eldorado ?

Pas de congé pendant un an, puis quatre semaines de congé…… mais pas l’été car ce sont les infirmières les plus anciennes qui choisissent d’abord leur période... Un meilleur salaire ? Oui, mais plus de jours de travail, ici pas de RTT et 25 ans d’attente pour avoir 5 semaines de congés annuels!

Moins de patients ? Certes, mais une charge administrative énorme, le travail est organisé pour prouver que tu as fait ton travail dans le cas d’une action en justice. C’est une sensation bizarre que de travailler dans une dynamique où il faut que tu prouves que tu fais ton travail ! Au Québec il existe trois quarts de travail distincts dans le système francophone : jour (8-16h), soir (16-0h) et nuit (0h-8h). Le plus en manque de personnel est bien évidement le troisième et lorsque nous signons nos premiers contrats, nous nous engageons à être disponible sur les trois quarts. Le système anglophone fonctionne parfois en quart de 12h. Bien sûr, chaque expérience est différente et certains sont plus chanceux, et plus heureux que d’autres dans leur poste ...

Pour conclure, soulignons que le Québec se pose aujourd’hui des questions sur sa difficulté de rétention de personnel… nous apportons peut-être ici quelques éléments de réponse, non ? Nos « cousins » d’Amérique devraient donc en tirer les conclusions nécessaires et être un peu plus vigilants, sous peine d’observer sous peu une inefficacité dans le recrutement des infirmières qu’ils viennent effectuer en France depuis des années... D’autant que les autres provinces du Canada prennent, elles, en compte nos expériences professionnelles et nous reconnaissent cliniciennes.

Avant cet ARM, les choses étaient claires. Il fallait repasser l’examen de l’OIIQ pour continuer à pouvoir exercer. Cet ARM, comme l’explique les gouvernements et les ordres québécois et français, était censé faciliter la démarche d’intégration des postulants pour une aventure dans l’un des pays des deux côtés de l’Atlantique. Dans l’état actuel des choses, ce n’est pas le cas, il accélère nos possibilités d’être autorisé à travailler, et donc à rendre service au système de soins québécois, mais ne nous reconnaît pas pour ce que nous sommes, a contrario de ce qui est fait pour nos collègues québécoises qui font le voyage dans l’autre sens.

Fin juin 2012, une réunion bilan de l’ARM a eu lieu, nous espérons maintenant que nos différents actes envers les autorités québécoises et françaises porteront leurs fruits et que la reconnaissance sera mutuelle et sans condition. Dans le cas où le Québec ne reverrait pas sa copie, il faudra exiger des diplômées québécoises qu’elles fassent aussi une formation complémentaire pour pouvoir exercer en France et ce, avec les mêmes exigences que celles demandées aux diplômées françaises, ces dernières ne seraient pas autorisée à exercer si il leur manquait au minimum 500 heures de stages pratiques. Affirmons donc que l’on ne peut accepter que l’on brade la qualité de la formation infirmière française. Il aurait été souhaitable que des interlocuteurs compétents et qualifiés en matière de formation et de métier infirmier en France, puissent participer, dès le départ aux négociations, ce qui aurait évité d’avoir à apporter des correctifs sur des informations erronées mais aussi préjudiciables aux infirmiers français.

Mickael MERET
Infirmier DE (diplôme d’avant 2012) exerçant au Québec
Regroupement des Infirmiers Français au Québec (RIFQ)
http://rifq2012.wix.com/rifq


Source : infirmiers.com