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PORTRAIT / TEMOIGNAGE

Infirmière, elle apaise les patients en musique

Publié le 12/04/2017

Anne-Marie Garnier, infirmière en Hospitalisation à Domicile (HAD) , est passionnée de musique. Elle a décidé de concilier sa passion avec sa profession dans un même objectif : prendre soin de ses patients. Rencontre.

Anne-Marie apaise ses patients en leur jouant la musique de leur choix à domicile.

Depuis quatre ans, Anne-Marie Garnier, 53 ans, est infirmière à domicile en HAD au sein de l'équipe soins palliatifs, en région parisienne. Musicienne de formation, elle s'attache, durant ses visites, à prendre soin de ses patients de différentes manières. Anne-Marie leur offre notamment des moments de détente au travers des morceaux qu'elle leur joue à la clarinette.

La musique, un autre soin

Lorsque j'ai commencé en soins palliatifs à domicile, l'idée de la musique est venue assez naturellement, raconte Anne-Marie. J'ai proposé à une patiente avec qui je m'entendais bien et qui aimait la musique si ça lui ferait plaisir que je lui joue de la clarinette. Elle a accepté et j'ai préparé un programme de quelques morceaux doux et apaisants. Le jour J, j'ai d'abord fait mes soins, puis j'ai enlevé ma blouse et me suis installée pour jouer. C'était très émouvant pour moi, mais aussi pour elle. Elle a fermé les yeux, et s'est laissée aller à écouter. Elle était très détendue après, et il s'est passé quelque chose entre nous, de l'ordre du partage d'un moment fort. C'est un beau souvenir. J'ai ensuite recommencé de temps en temps pour d'autres patients, et de fil en aiguille, j'ai "peaufiné" mes interventions. À chaque expérience, j'écrivais mon ressenti et le pourquoi du comment. Je joue de plus en plus régulièrement pour les patients, et j'ai maintenant des expériences de musique pendant des soins douloureux ou anxiogènes. Au départ, Anne-Marie sélectionnait les musiques à interpréter. Elle s'adapte désormais aux souhaits de ses patients, quitte à devoir effectuer quelque recherches pour trouver et apprendre le morceau à jouer. Cela contribue à développer mon répertoire, estime-t-elle.

Anne-Marie dispense ces séances en plus de son travail d'infirmière. Elles dépendent donc de la charge de travail. J'effectue d'abord les soins, ensuite je change de casquette. Je ne peux pas le faire quand la charge de travail est trop lourde, regrette-t-elle. Une session dure de 20 à 30 minutes en fonction du patient, de son état de fatigue, de sa demande. De prime abord, les patients étaient choisis par Anne-Marie en fonction des contacts établis et de leur appétence pour la musique. Le choix s'est ensuite effectué selon les symptômes, comme l'anxiété, la perte de l'estime de soi, la tristesse, la douleur… Désormais, ses collègues indiquent à Anne-Marie les patients à qui ces séances pourraient faire du bien.

Quand je vois les yeux d'un patient briller, qu'il tape la mesure, ou qu'il écoute en tenant les mains de sa femme, je suis heureuse

Des moments émotionnels forts

Pour les patients, c'est toujours un moment fort, explique Anne-Marie. Ça les apaise, ça leur apporte un moment de plaisir, de réconfort, de calme. Certains arrivent à "partir en voyage". Parfois, c'est juste un peu de joie dans leur journée. Et le souvenir reste, ce qui leur fait du bien quand ils y repensent. Les séances ne sont pas réservées aux patients. Les proches peuvent eux aussi être présents puisque cela se déroule au domicile du patient. C'est un événement qui est aussi pour eux, car ils vivent une situation difficile, souligne l'infirmière. En général, ils apprécient beaucoup ce moment de plaisir et de partage, et cela libère souvent des émotions. Une activité à laquelle ses collègues adhèrent complètement.

Anne-Marie bénéficie également du bienfait de ces séances qui lui permettent d'allier son métier et sa passion. Quand je vois les yeux d'un patient briller, qu'il tape la mesure, ou qu'il écoute en tenant les mains de sa femme, je suis heureuse,  livre-t-elle. Une séance l'a d'ailleurs profondément marquée. C'était un patient atteint d'une pathologie neurologique lui créant des mouvement incontrôlés, qui devenaient de plus en plus invalidants, et rendaient la toilette très difficile, pour lui, sa femme et les soignants, se remémore-t-elle. On a eu l'idée et les moyens d'y aller un jour à trois soignants : deux pour la toilette et moi pour jouer pendant les soins. Le patient n'a eu que très peu de mouvements incontrôlés pendant que je jouais. Sa femme a pleuré, puis s'est ensuite mise à la tête de son mari pour lui parler doucement à l'oreille. Mes collègues ont fait la toilette tranquillement. Il y a eu beaucoup d'émotions pour tout le monde. J'ai joué pendant une heure. C'était un moment magique !.

Je joue de plus en plus régulièrement pour les patients, et j'ai maintenant des expériences de musique pendant des soins douloureux ou anxiogènes

De musicienne à infirmière

Une solide formation musicale pour Anne-Marie : piano, contrebasse, clarinette…

Anne-Marie a d'abord suivi des études musicales au conservatoire avant de se tourner vers la profession infirmière. Passionnée de musique depuis l'âge de 7 ans, elle a étudié le piano, puis la contrebasse pour devenir professeur de formation musicale et contrebasse durant deux ans. « J'ai préféré arrêter la musique que je pratiquais à titre professionnel pour construire une vie de famille », confie-t-elle. Anne-Marie devient donc vendeuse de pianos, un travail purement alimentaire dans lequel elle ne se réalise pas. Elle décide donc de reprendre ses études, et ayant toujours été attirée par le métier infirmier, elle décide de se lancer. J'ai commencé à vouloir être infirmière après une hospitalisation à l'âge de 11 ans au cours de laquelle j'ai découvert ce métier, révèle-t-elle. Par ailleurs, il y a dans ma famille beaucoup d'infirmières, mais aussi des médecins et autres professionnels de santé. Elle passe d'abord par une école d'aide-soignante puis exerce cette profession durant six ans. J'ai ensuite suivi la formation d'infirmière en formation professionnelle, relate-t-elle. Après le diplôme, j'ai été affectée en gériatrie, j'ai adoré. J'ai ensuite intégré l'équipe mobile de gériatrie de l'hôpital, fait un DU de gériatrie, puis un DU de soins palliatifs.

Un blog pour raconter son expérience

Depuis qu'elle a commencé ses séances, Anne-Marie détaille par écrit chacune de ses expériences. Je ne savais pas ce que j'allais faire de ces écrits, mais j'avais envie de partager ces moments à mes collègues proches, indique-t-elle. Puis j'ai pensé que ça pouvait peut-être intéresser aussi d'autres soignants, des musiciens et toute personne sensibilisée aux soins palliatifs et/ou à la musique dans les soins. De là est née l'idée de créer un blog. Elle y raconte ainsi des moments de vie, les patients qui la marquent, du lien entre son travail et la musique. Ce sont plus des réflexions, des états d'âme, que mon quotidien d'infirmière à proprement parler. C'est donc avec beaucoup de sensibilité qu'Anne-Marie raconte ses séances au jour le jour. Chaque expérience est unique, et Anne-Marie, grâce à sa clarinette, offre à ses patients des moments de réconfort, d'apaisement et de voyage leur permettant l'espace d'un instant d'oublier la maladie et la douleur.

Aurélie TRENTESSE  Journaliste Infirmiers.com aurelie.trentesse@infirmiers.com  @ATrentesse


Source : infirmiers.com