Les années se suivent et souvent se ressemblent. La profession infirmière l'a très souvent constaté, elle qui, mois après mois, ne cesse d'attendre des signaux positifs de ses tutelles qui répondront à ses nombreuses préoccupations, récurrentes, parmi lesquelles une valorisation accrue de ses compétences accompagnée d'une reconnaissance qui tarde toujours à s'exprimer réellement. Comment l'année 2018 est-elle venue répondre, ou non, aux souhaits de la profession infirmière et comment aborder cette nouvelle année au regard des événements passés, qu'ils soient positifs – il y en a eu – et négatifs, il y en a eu également. Faisons un instant machine arrière pour pouvoir mieux avancer en 2019 et ce, en toute connaissance de cause !
Des équipes soignantes heureuses ? Cela existe !
Nous avions choisi de commencer l'année 2018 sous l'oeil bienveillant de la photographe Sylvie Legoupi qui faisait rimer de façon réjouissante soins et humanité, expertise clinique et cohésion d'équipe en psychiatrie. Un reportage vivifiant à bien des égards
qui montrait qu'il existe aussi des équipes soignantes heureuses au sein desquelles chacun travaille avec ce qu'il est, ses perceptions, sa place et participe ainsi à la richesse de l'ensemble de l'équipe, des compétences qui s'y déploient et ce au bénéfice des patients. Un sujet étayé et enrichi par la lettre d'un infirmier psychiatrique
, récemment retraité, mais qui souhaitait partager son savoir avec les débutants
dans ce secteur particulier des soins, leur conseillant de déployer le champ de leur curiosité et de leur connaissance, d'avoir confiance dans leurs qualités affectives, réflexives, cognitives et interactives
. Une initiative qui montre combien la formation de pair à pair contribue à la richesse du métier infirmier et que nous ne pouvons qu'espérer reproductible à souhait aujourd'hui et demain, d'autant que le monde de la psychiatrie est en réelle difficultés en ce début d'année 2019 et que les 50 millions déployés par Agnès Buzyn semblent bien insuffisants
!
En 2018, nous découvrions Peyo, le cheval qui parle à l'oreille des patients . Sa présence bienveillante auprès de patients vulnérables, en EHPAD, avait interrogé la notion de médiation animale au-delà de toutes les espérances.
Ehpad : le mot qui fâche et qui fait tâche
Dans le même temps, on sait bien que le pire peut côtoyer le meilleur. Un témoignage d'infirmière travaillant en Ehpad
venait nous le rappeler plus brutalement que jamais. Dénonçant le manque criant de moyens humains dans ces établissements, elle explicitait cruellement ce qu'était une toilette VMC
, soit plus trivialement visage-mains-cul
. Tout simplement inacceptable… et pourtant ! La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a tenté de répondre à ces situations régulièrement dénoncées par les soignants en annonçant la mise en place d'un plan d'action pour améliorer la situation précaire des Ehpad alors qu'une journée de mobilisation nationale
jetait un peu plus l'opprobre sur ces établissements fréquentés par plus de 600 000 personnes. Les EHPAD étaient au coeur de toutes les polémiques, et le sont restés toute l'année 2018 : EHPAD-bashing
pour certains, dont Agnès Buzyn, dénonciation de pratiques insoutenables plus que justifiées pour d'autres avec des témoignages accablants très médiatisés.
Gageons qu'en 2019, nous ne puissions plus voir de tels reportages ! Le 9 janvier 2019, Agnès Buzyn annonçait ceci: la difficulté croissante du travail des soignants en EHPAD doit être reconnue. Comme promis, une prime sera versée aux aides-soignants des Ehpad publics au cours de l'année 2019 et je travaille avec les partenaires sociaux en ce sens
. Saluons un début de prise en compte des difficultés de ce secteur particulier.
En 2018 l’apprentissage du métier infirmier passionne Nicolas Philibert ! En 2019, il intéresse aussi le réalisateur Guillaume Viart !
Pratique avancée, universitarisation, fin du concours infirmier...
Revenons à des éléments positifs ! Attendus, espérés… et enfin obtenus. La lutte a été âpre, menée des mois durant par les représentants infirmiers. Le 19 juillet 2018, la parution au JO de deux décrets et trois arrêtés officialisaient l'exercice infirmier en pratique avancée , nouvelle voie d'évolution et d'expertise pour la profession. Affirmons que la création de ce nouveau professionnel de santé constitue une réelle avancée pour la profession, d’une part, mais surtout pour l’amélioration de l’accès aux soins. En juillet encore, nouvelle actualité qui vient bouleverser l'organisation de la formation initiale en soins infirmiers. Annoncée par les ministres des Solidarités et de la Santé et de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, l'universitarisation des formations en santé est véritablement actée . En 2019, les 326 Ifsi sélectionneront sur dossier leurs quelques 31 000 lauréats, qui bénéficieront tous du statut étudiant et de ses avantages grâce au rattachement des Ifsi aux universités. Adieu le concours infirmier, bonjour Parcoursup . Une avancée, certes, qui suscite de très nombreuses questions sur ce que sera la rentrée 2019, tant pour les futurs candidats que pour leurs formateurs.
En 2018, le témoignage d'une ancienne étudiante en soins infirmiers rappelait que la maltraitance lors de la formation doit être dénoncée et combattue . Se taire, jamais !
#Infirmier(e)sOublié(e)s, black tuesday... la colère s'installe
Mais la rentrée 2018 rime aussi avec colère chez les infirmiers. L'annonce par Emmanuel Macron, Président de la République, du Plan Ma santé 2022 suscite une levée de boucliers de la profession qui vit cette ordonnance présidentielle
au bénéfice de la santé des Français, certes très ambitieuse, mais ressentie, une fois encore, comme médico-centrée
. Les infirmiers rappellent d'une même voix attendre une approche globale centrée sur le patient et la coordination entre professionnels de santé. La création du hastag #Infirmier(e)sOublié(e)s
vient le rappeler aux pouvoirs publics. Les infirmiers se sentent en effet oubliés dans la réforme du système de santé et plus généralement méprisés par le gouvernement. Qu'ils exercent à l'hôpital ou en libéral, leurs sentiments sont clairs : ils en ont assez ! Le mouvement de ras-le-bol est tel que seize organisations syndicales les ont invités à exprimer leur colère, devant les préfectures en région ou à Paris devant le ministère des Solidarités et de la Santé. Le 20 novembre, la mobilisation dans la rue est certes faible mais la médiatisation à la hauteur de leurs attentes. Pour les blouses blanches, c'était "le black Tuesday
". Un slogan historique refait surface « Ni bonnes, ni nonnes, ni connes », comme une piqûre de rappel faite à Agnès Buzyn.
La ministre réaffirme pourtant "toute la place, centrale, occupée par les infirmières, piliers du Plan Ma Santé 2022." Une bonne nouvelle que nous n'avions pas entendue depuis longtemps et que la profession souhaite voir se concrétiser en 2019 !
En 2018 il y a
Alerte rouge sur la santé des professionnels de santé !Les soignants sont de plus en las d'être là !
Au vu de tout cela, qu'espérer en 2019 ?
- Moins de violence et d'insécurité au sein des établissements de santé ? Il y en en a encore trop et l'actualité nous le rappelle souvent .
- Moins de dégradation des conditions de travail ? La réalité hospitalière et ses budgets tendus, ne va, hélas pas dans ce sens. "Prendre soin de ceux qui nous soignent "c'est pourtant l'engagement d'Agnès Buzyn pris en 2018.
- La volonté de tous de ne plus voir le mot "suicide" rattaché au mot "soignant" .
- L'espoir de salaires plus conséquents alors que le travail des infirmiers est toujours plus exigeant.
- Moins de non réponses sur les questions de fond : réingénierie des diplômes IBODE , IPDE et CDS toujours en attente .
- Plus de place réelle des infirmiers dans la stratégie nationale de santé #MaSante2022 et reprise des négociations conventionnelles des infirmiers libéraux avec la Caisse nationale d'Assurance maladie effective depuis la mi-décembre 2018…
Les souhaits pour une profession infirmière plus sereine en matière d'exercice et de perspectives sont nombreux… Sachons néanmoins apprécier les avancées obtenues en 2018 même si elles paraissent insuffisantes, gardons notre capacité à nous enthousiasmer pour le meilleur mais aussi notre volonté d'obtenir toujours mieux pour une profession qui l'exige et, pour ce faire, se mobiliser, ensemble.
Une chose est sûre, en 2019, il y a encore tant à faire, à dire... et à faire savoir !
Que la reconnaissance et la valorisation de la profession infirmière soit au rendez-vous en 2019 !
Et inspirons-nous d'Antoine de Saint-Exupéry qui suggérait très justement ceci : "Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir mais de le rendre possible".
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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