Un reportage intitulé « Alertez les bébés », diffusé le 18 juin dernier sur France 2, a souligné l’extraordinaire prise en charge des bébés prématurés par les équipes soignantes de l’Institut de puériculture de Paris, aujourd’hui menacé de fermeture.
Ils sont venus au monde, là. Des bébés que l’on n’attendait pas. Pas si vite, pas si tôt, pas si mal…
En avance sur leur temps, inachevés, leurs vies, précaires, sont en péril. Grands prématurés, ces « toutes petites personnes » de quelque 600 ou 700 grammes, sont sous cloche de verre, à l’abri dans leur couveuse, seuls… ou presque.
En effet, 24h/24, une équipe de néonatologie (puéricultrices, infirmières, auxiliaires de puériculture, pédiatres, anesthésistes-réanimateurs, kinésithérapeutes…) veille sur leurs corps fragiles, palie leurs carences, prend le relais des fonctions maternelles, assure la continuité des soins avec une seule finalité : la vie.
Le prématuré est en effet un nouveau-né dont toutes les grandes fonctions sont immatures (respiratoires, digestives, immunitaires, thermo-régulatrices). Il présente également trois fois plus de troubles moteurs, sensoriels et cognitifs qu’un enfant né à terme.
Rappelons qu’un prématuré est un enfant né avant la 37ème semaine d’aménorrhée (8 mois ou 259 jours). Il naît environ 55 000 enfants avant terme chaque année dans l'hexagone. La prématurité concerne ainsi plus de 6 % des naissances en France, la grande prématurité, elle (moins de 33 semaines) 9 000 enfants.
Préserver les liens familiaux
Le 18 juin dernier, à 13h 15, France 2 consacrait un documentaire de 25 minutes à la prise en charge de ces grands prématurés à l’Institut de puériculture de Paris (IPP) 1, un établissement spécialisé dans l’accueil et les soins à ces bébés nés avant terme mais aussi dans le traitement des pathologies graves de l'enfant et l'accompagnement des mamans handicapées. L’IPP qui forme, par ailleurs, médecins et infirmières, est aujourd'hui menacé de fermeture 2.
La caméra accompagne le quotidien de quelques bébés et leur famille et nous fait découvrir le travail des soignants. Dans un univers où l’hypertechnicité est de mise, chacun fait de son mieux pour préserver les relations humaines qui accompagnent une naissance. Au départ, ce sont les pères qui sont là, fébriles et empruntés. Leur émotion est perceptible et nous la partageons. « Je suis content qu’il soit là, mais j’ai peur », témoigne un papa, seul devant la couveuse de son fils de 700 grammes. Agent de sécurité, il a cette très jolie formule : « je vais être son garde du corps, à vie. Quelles que soient les circonstances, il n’y a rien de plus beau qu’un enfant qui naît. Cela me redonne goût aux belles choses ». On est pourtant bien loin de la normalité d’une chambre de maternité.
Assistance respiratoire, seringues électriques, monitoring cardiaque, l’image habituellement rassurante du bébé frais et rose disparaît. La prise en charge des parents constitue donc une tâche très importante pour l’équipe soignante. Si la naissance est un moment de joie, un événement heureux attendu impatiemment par les parents, une naissance prématurée bouleverse cet idéal. La joie se transforme en angoisse. Les parents sont alors confrontés à la peur de perdre leur bébé, des séquelles éventuelles, des complications, d’un séjour prolongé à hôpital.
Au-delà de la densité technique, les soignants, ici et comme dans tous les services de néonatologie, œuvrent donc pour créer du lien : faire comme si de rien n’était, parler, chantonner, caresser les doigts minuscules, commenter le moindre de ses gestes… Une puéricultrice l’explique : « toutes les deux heures, et à chaque fois que c’est nécessaire, à l’ouverture de la couveuse, lors des soins récurrents, les mots sont importants et les gestes se doivent d’être à la fois doux, précis et mesurés car tout agresse le bébé, le bruit, la lumière, les actes invasifs… De plus, les parents sont souvent dans la culpabilité. Les pères sont perdus, les mères dépossédées, la fratrie frustrée. Cet environnement familial, défaillant, il nous faut le préserver à tout prix car c’est tout l’enjeu d’une naissance ».
D’ailleurs, ici, à l’IPP, toutes les 3 semaines, c’est la journée des fratries. Avec leurs parents, les frères et sœurs sont accueillis pour découvrir ces bébés dont on parle de loin, souvent à mots choisis ou couverts. Ces bébés attendus des mois durant et disparus à l’hôpital un jour de panique… On voit alors des petites filles et même des grands garçons, s’extasier devant un visage, des mains, des pieds, si petits, si inhabituels, ceux d’un frère ou d’une sœur, qu’ils vont pouvoir caresser, l’espace d’un instant, sous l’œil attendri de leurs parents. Des familles enfin réunies, même si tout reste fragile...
Une question de distance…
Certains ne resteront que quelques semaines ici, pour achever leur maturité, et (re)démarrer leur vie sous de meilleurs auspices. Un père dira en souriant : « les prématurés sont des combattants. Le Général de Gaulle, mais aussi Johnny Halliday, sont nés prématurément. Combattants, ils l’ont été et le sont encore, alors pour mon fils, c’est rassurant, non ? ». Le départ de l’unité se fait même en musique… « On inventera des planètes qu’on ne voit pas à la lorgnette » chantent les soignants qui ont en effet œuvré des jours durant dans le petit monde bien particulier de la néonatologie.
D’autres bébés auront moins de chance, on le sait…
Quoi qu’il en soit, ce reportage au titre volontairement militant "Alertez les bébés" nous aura éclairé, une fois encore, sur le savoir faire et le savoir être qu’il faut acquérir pour exercer dans ce type de service où les compétences d’équipe font socle et dont il faut défendre la spécificité. Il nous aura montré également comment pratiquent les infirmières pour créer et entretenir un climat favorable à l’épanouissement familial sans accaparer toute la place auprès du nourrisson3.
L’IPP accueille 10 à 15 % des urgences d’Ile de France, soit quelque 900 prématurés chaque année. Selon les médecins urgentistes, la disparition de l’établissement les obligerait à se tourner vers des hôpitaux de province comme Rouen ou Lille. Si les soins y seraient d’une qualité identique, le lien familial, lui en souffrirait énormément.
Notes
1. 13h 15 le samedi, présentation par Laurent Delahouse, « Alertez les bébés » de John-Paul Lepers ; www.france2.fr
2. A l’IPP, une procédure de conciliation est engagée depuis le 9 décembre 2010 auprès du Tribunal de Grande Instance. Il existe une réelle menace de liquidation judiciaire pour l’établissement. Tous les services sont en danger.
Une pétition est en ligne pour soutenir cet établissement renommé pour ses compétences ; http://www.petitions24.net
3. Lire le mémoire « Infirmière en néonatologie : attachement au nouveau-né prématuré », domaine santé & social, Filière de formation des infirmières et infirmiers réalisé par Stéphanie Martin sous la Direction de Emmanuel SOLIOZ, Sion (Suisse), Juillet 2007 ; http://doc.rero.ch
A noter
« Les massages aident les prématurés à se développer » par F. Lejeune et E. Gentaz, chercheurs en psychologie cognitive au laboratoire de psychologie et de neurocognition de l’université Pierre-Mendès-France, à Grenoble, paru dans le n°453 (juin 2011) de La Recherche, pp. 56-58. Les chercheurs développent l’idée suivante : « Les enfants prématurés souffrent davantage de troubles cognitifs que les enfants nés à terme. Comment favoriser leur développement cérébral ? En sollicitant leur sens du toucher, le plus mature à la naissance ».
Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef Izeos
Bernadette.fabregas@izeos.com
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