Les infirmiers libéraux, par la voix de leurs représentants syndicaux, sont en colère et ils le font savoir. Leurs négociations conventionnelles sont au point mort, bloquées par les désaccords, la vaccination antigrippale et leur place dans le dispositif est un sujet qui fâche, l'insécurité de leur exercice est chaque jour un peu plus alimentée par des faits avérés, quant à la réforme du système de santé, elle semble se faire sans eux, toujours invisibles alors qu'ils en sont les maillons forts ! Bref, en cette rentrée, les seuls mots ne portant plus, l'heure est maintenant à l'action. C'est en substance ce que Catherine Kirnidis, présidente nationale du Syndicat national des infirmiers libéraux, en présence de son Conseil d'administration, a souhaité nous livrer ce lundi 10 septembre 2018.
Rappelons en préambule, que d'un commun accord, les trois syndicats représentatifs des infirmiers libéraux - SNIIL
, FNI
et Convergence Infirmière - refusent de poursuivre ce qu'ils nomment la mascarade
et ont quitté la table des négociations qui leur permettrait de signer deux nouveaux avenants - le 6e et le 7e - à leur convention nationale. Ces avenants concernent des points très précis liés à l'exercice libéral infirmier : iatrogénie médicamenteuse, chirurgie ambulatoire, démographie, actes de pansements, bilan de soins infirmiers (BSI). Pour les infirmiers libéraux, la faiblesse de l’enveloppe financière proposée par l’Assurance Maladie est totalement déconnectée des enjeux liés au virage ambulatoire psalmodié par les tutelles
. La présidente du Sniil, Catherine Kirnidis, a rappelé que l’Assurance maladie et le Ministère bloquent toutes avancées conventionnelles sur des points qui relèvent pourtant du coeur de métier des IDEL. In fine, en repoussant à 2020 les propositions les plus attendues par les IDEL de ces négociations conventionnelles infirmières et en limitant l'ensemble de l'enveloppe à 200 millions toutes mesures confondues, l'Assurance maladie a choisi de laisser pourrir la situation.
En matière de chirurgie ambulatoire notamment, pour le syndicat, Nicolas Revel, président de la CNAM, ne semble pas miser réellement sur l’implication des infirmiers libéraux pour favoriser ce virage, axe pourtant fort dans les politiques de santé à venir
. Pour information, plus globalement, les éléments de la réforme du système de santé doivent être annoncés par Emmanuel Macron le 18 septembre prochain.
Soins de ville : les soins infirmiers, en 2017, s'élèvent à 8,2 milliards d’euros
- En 2017, la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) s’élève à 199,3 milliards d’euros, soit environ 2 977 euros par habitant. Elle représente 8,7 % du PIB, en léger repli (−0,1 point) par rapport à 2016. Sa croissance s’infléchit nettement à +1,3 % en 2017 (après 2,0 % en 2016), en raison du fort ralentissement des soins hospitaliers : une croissance de 0,9 % en 2017, après 1,7 % en 2016. En 2017, la consommation de soins hospitaliers (établissements publics et privés, hors soins de longue durée) s’élève à
92,8 milliards d’euros. - Les soins de ville, qui recouvrent les soins en cabinets libéraux et en dispensaires, les analyses de biologie ainsi que les cures thermales, s’élèvent à 53,4 milliards d’euros en 2017
- Les soins d’auxiliaires médicaux (15,5 milliards d’euros) sont composés de soins d’infirmiers (qui s’élèvent à 8,2 milliards d’euros), de soins de masseurs-kinésithérapeutes (6,0 milliards d’euros) et des soins des autres auxiliaires médicaux (orthophonistes, orthoptistes et pédicures, pour 1,3 milliard d’euros). Ces soins sont toujours très dynamiques en 2017 (3,5 %, après 4,3 % en 2016). Comme les années précédentes, ils progressent plus vite que les soins de ville dans leur ensemble. Ce dynamisme s’explique principalement par les soins des infirmiers (2,0 points de croissance de l’agrégat en 2017) et des masseurs-kinésithérapeutes (1,2 point de croissance de l’agrégat).
Stop ! Ne bradons plus nos compétences. Nos soins ont une valeur
"Communiquer, entraîner nos pairs et nos patients"
D'où que l'on se tourne
, s'insurge Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmiers libéraux (Sniil), nous faisons face à un silence assourdissant. Premier ministre, ministre de la Santé, direction de la CNAM, nos interlocuteurs pour faire valoir nos compétences, notre place à tenir - pourtant incontournable - dans le système de santé français, font preuve d'un total mépris en ne répondant pas à nos sollicitations pourtant fort légitimes
. Grands oubliés de la rentrée, les infirmiers libéraux sont en colère et ils entendent maintenant le faire savoir. Nous lançons donc en ce lundi 10 septembre, une campagne de communication* afin de stopper le démantèlement progressif de nos compétences et ce, au profit d'autres professionnels de santé
. "Stop ! Ne bradons plus nos compétences. Nos soins ont une valeur", tel est l'intitulé du message. Catherine Kirnidis rajoute que le lancement de cette campagne envers ses pairs mais aussi les patients pris en charge et les médecins traitant, n'est pas le fruit du hasard. Nous avons souhaité par la même occasion apporter notre soutien à notre collègue Mathilde, gravement agressée le 31 juillet dernier, et dont la deuxième comparution immédiate de son agresseur - un patient souffrant de graves troubles psychiatriques - a lieu ce jour au tribunal d'Angoulème*. On ne le sait que trop, l'insécurité est aujourd'hui croissante pour nos professions libérales et les agressions trop nombreuses. On ne peut que s'émouvoir du manque d'empathie de nos tutelles lorsque cela concerne les infirmières. Pas de communiqué de notre ministre et encore moins du ministre de l'Intérieur...
.
"Kit de résistance"
En soutien aux IDEL, le Sniil a conçu tout un ensemble d'éléments permettant d'expliquer leur démarche sur le terrain. Composé d'une affichette, de courriers explicatifs à l'intention des médecins traitants et des patients, et d'un mémo de procédure de facturation des vaccins antigrippaux, ce "kit de résistance" est disponible sur le site du Sniil.
Le Sniil demande donc à chacune et chacun des 104 000 IDEL de France de facturer systématiquement à l'Assurance maladie tous les actes de vaccination antigrippale jusqu'ici souvent gratuits car intégrés ou associés à d'autres soins et d'arrêter toute prescription - jamais valorisée - de matériels et pansements avec un renvoi systèmatique des patients au médecin traitant. Il nous faut rendre visible ces actes qui ne le sont pas !
Parallèlement, le syndicat appelle également au maintien du boycott par les représentants syndicaux infirmiers libéraux de toutes les instances conventionnelles (Commissions Paritaires Départementales, Régionales et Nationale, Commission des Pénalités)
. Des actions de terrain simples à réaliser
selon Catherine Kirnidis, mais qui auront de fortes répercussions en raison du grand nombre d'infirmier(es)
.
Les infirmiers libéraux ne sont pas un produit de consommation courante ! Ce sont des professionnels de santé à part entière !
Tous pour un et un pour tous... pour un meilleur équilibre efficacité/coût
Les trois syndicats d'infirmiers libéraux demandent maintenant à être reçus au plus vite par Agnès Buzyn qui, malgré son agenda chargé, trouve toujours le temps de rencontrer les médecins... Alors pourquoi pas les infirmières ! Nous avons des pistes innovantes d'amélioration de l'accès aux soins dans un meilleur équilibre efficacité/coût : il est donc grand temps de nous écouter
, conclut le Sniil. A l'heure où l'on ne cesse de parler de coopérations inter et pluriprofessionnelles, où notre système de santé vit une profonde mutation, nous continuons à nous interroger : comment défendre au mieux l'indispensable exercice pluriprofessionnel tout en valorisant la place et les compétences de chacun ? Nous le réaffirmons haut et fort, les infirmiers libéraux ne sont pas un produit de consommation courante ! Ce sont des professionnels de santé à part entière et il serait temps que nos tutelles en soient persuadées !
Des propositions fortes, concrètes et... économiques
Voici en substance ce que propose le Sniil pour un meilleur accès aux soins dans un meilleur équilibre coût/efficacité pour l'Assurance maladie. Des propositions étayées sur des expérimentations régionales qui ont fait leurs preuves : DIASPAD (Dispositif Infirmier d'Accompagnement et de Suivi Post Ambulatoire à Domicile) en Normandie, Amélioration de l'Observance des Traitements chez le Patient Cancéreux Agé, en Pays de la Loire, Télémédecine, un Projet Sud-Manche et Efficience de la prise en charge des patients sous anti-coagulant oraux (AVK) en Normandie.
- Créer la notion "d'infirmier(e) référent" et les intégrer dans la permanence des soins.
- Intégrer les IDEL dans les soins non-programmés.
- Elargir le droit infirmier à vacciner.
- Elargir le droit infirmier de prescription existant depuis 2012.
- Développer les protocoles de gestion des AVK (anti-vitamines K) et de l'insuline pour les maladies chroniques.
- Inclure les IDEL dans les dispositifs de télémédecine.
- Sortir les coûts des soins infirmiers des forfaits de SSIAD.
- Permettre aux IDEL d'agir sur le terrain de la prévention et de la santé publique.
- Réviser la prise en charge de la santé mentale.
*L'agresseur de l'infirmière libérale a été condamné à quatre annéers de prison dont deux fermes.
Le 45ème Congrès national du Sniil aura lieu du 16 au 19 septembre 2018 en Alsace à l'hôtel Resort Ribeauvillé. Le thème de cette année : "Au coeur de l'Europe : la place de l'infirmier(e) dans les soins primaire. Du Concept à l'équipe". Inscriptions sur le site du Sniil
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
IDEL
Vidéo - "Avec un enfant, il faut savoir être enveloppant"
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF
HOSPITALISATION A DOMICILE
Un flash sécurité patient sur les évènements indésirables associés aux soins en HAD
THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES
Hypnose, méditation : la révolution silencieuse