Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

INFOS ET ACTUALITES

Des États généraux infirmiers pour faire entendre l’expertise infirmière

Publié le 07/12/2012


Près de 200 infirmier(e)s de tous terrains d’exercice avaient répondu à l’appel conjoint d’Annick Touba, présidente nationale du SNIIL (infirmiers libéraux), Thierry Amouroux, Secrétaire Général du SNPI CFE-CGC (infirmiers salariés) et Brigitte Accard, Secrétaire générale du SNIES-UNSA (infirmiers de l’Éducation nationale) pour participer aux États Généraux infirmiers 2012, le 4 décembre 2012 à Paris, deuxième édition du genre. Pour les organisateurs de cette manifestation l’objectif est atteint : renforcer les liens entre l’hôpital et la ville, travailler en synergie, positionner les infirmières à leur juste place dans le système de santé et faire (enfin) entendre leur expertise...

La thématique générale de ces deuxièmes États Généraux infirmiers : « Affirmer nos compétences autonomes » était d’emblée ambitieuse à l’heure où la parole infirmière a encore du mal à se faire entendre. Pourtant, dans ses différents champs d’exercice, les infirmier(e)s déploient des expertises très ciblées qui s’appuient sur des compétences acquises « pleines et entières », tant en matière de pratiques que de clinique propre.

« Il est temps que les décideurs comprennent que les infirmiers ne sont pas seulement des exécutants au service des médecins. Notre pays est toujours dans une culture de santé médico-centrée, a rappelé Annick Touba, présidente nationale du SNIIL. Faire bouger les curseurs, formaliser, faire reconnaître les actes et activités que font les infirmières au quotidien contribuera à améliorer l’accès aux soins pour les citoyens ; des soins effectués par des infirmières formées à la vision et prise en charge globale du patient et experte dans la prévention, le suivi, l’éducation à la santé, la coordination des soins et des professionnels de santé. »

Thierry Amouroux, Secrétaire Général du SNPI CFE-CGC, l’a également rappelé : « l’infirmière n’est plus une simple technicienne chargée de faire des actes techniques sur prescription médicale. C’est une professionnelle de santé avec ses compétences, son savoir-faire et être, qui soigne la personne prise en soins et donne du sens. Chaînon manquant entre l’infirmière (Bac +3) et le médecin (Bac +9), l’infirmière spécialiste clinique (Master Bac +5) apporte une réelle valeur-ajoutée en matière de santé publique par une vision plus globale de la personne soignée en lien avec son contexte de vie et la continuité des soins ».

De son côté, Brigitte Accart, secrétaire Générale du SNIES UNSA Éducation, a souligné que « la consultation et la prescription infirmière peuvent être une réponse à l’urgence et permettre ainsi un accès au soin rapide pour l’usager » rappelant que « la possibilité donnée aux infirmières de l’Éducation nationale en matière de contraception d’urgence en est un excellent exemple et que cette habilitation les a mis au premier rang de la prévention des grossesses non désirées, et plus largement de l'éducation à la sexualité. »

Le cœur de métier : la valeur-ajoutée infirmière

Bref, il est clair que devant les difficultés d’accès aux soins, le déficit de la sécurité sociale, l’augmentation des pathologies chroniques, la dépendance... les infirmières, première profession de santé en nombre, ont un rôle à jouer au regard de leurs compétences. Pour ce faire, elles doivent également se mobiliser pour les affirmer haut et fort et ces deuxièmes États Généraux constituent un joli « porte-voix ».

Marisol Touraine, dont la présence avait été annoncée en ouverture de la journée, a été remplacée par Jean Debeaupuis, directeur général de l’offre de soins (DGOS). Il a tenté de faire passer le point de vue du ministère et les (belles) perspectives réservées à la profession infirmière : réforme de la formation initiale et universitarisation engagée, développement des protocoles de coopération, émergence de nouveaux métiers... Nouveauté cependant, « les modalités de rémunération des infirmières hospitalières (sous forme de primes) dans le cadre des coopérations sont en cours de réflexion au sein du ministère » a-t-il souligné. De plus, il a rajouté qu’il fallait « définir ce qu’est un métier intermédiaire, ce qu’est une pratique avancée », s’interrogeant si celles-ci correspondent à « l’acquisition de compétences complémentaires par rapport au métier socle » ou à « un niveau de maîtrise accru de métier ». Une « saine » préoccupation car il s’agit bien ici de respecter le cœur de métier des infirmières, à savoir exercer en toute transversalité ce pour quoi elles ont été formées et l’exercer avec les compétences qui s’y rattachent (rôle propre et délégué). L’assemblée l’a répété a plusieurs reprises : « nous sommes des infirmières et nous voulons être reconnues enfin pour ce que nous sommes ».

Ghislaine Desrosiers, ancienne présidente de l’Ordre des infirmières du Québec, maintenant présidente du Sidiief, invitée à intervenir comme « grand témoin » a montré une fois encore les bénéfices du leadership infirmier, quand on sait s’en saisir et le faire vivre... De son point de vue, « les infirmières sont aujourd’hui la cible des architectes des systèmes de santé et il faut s’en réjouir car ils leur donnent la capacité d’agir et d’interagir, de prendre de la hauteur en s’inscrivant dans des politiques de santé ambitieuses où leur valeur-ajoutée coule de source et est reconnue ». Elle a ainsi rappelé la posture « d’intérêt public » à adopter que cela soit en matière d’accès aux soins, de soins primaires mais aussi de suivi de pathologies chroniques ou de travail sur l’observance... et bien sûr de la nécessité de l’évaluer d’un point de vue économique afin d’en prouver les performances. Pour ce faire, des outils sont bien évidemment nécessaires : une formation universitaire avec une filière clinique complète en sciences infirmières et des programmes de recherche spécifiques.

Philippe Delmas, docteur en sciences infirmières et enseignant à la Haute École de santé de Lausanne (Suisse) a lui aussi rappelé que « le care est la raison d’être des infirmières, commun à tous, même s’il s’agit souvent d’un travail invisible et donc difficilement évaluable. » Pour ce grand clinicien, « le care se pense et se nourrit de différentes sources de savoirs. De fait, si l’intervention est au centre de la pratique infirmière, elle doit mettre en perspective tous ces savoirs acquis pour contribuer à l’élaboration de prestations de plus en plus complexes et spécifiques au domaine infirmier ». L’infirmière est donc une « grande spécialiste clinique » et sa quête d’autonomie et de reconnaissance qui doit passer par une formation par ses pairs doit toujours s’en nourrir...

La valorisation des tuteurs de stage...

Si les infirmières doivent être des « modèles professionnels », il semble que cette vocation soit délicate à déplier dans leur mission de tuteur après des étudiants en soins infirmiers (ESI). Une table-ronde sur l’encadrement des étudiants quel que soit le lieu d’exercice a permis de le mettre en évidence. En effet, alors que les ESI passent la moitié de leur temps de formation en stages (hospitaliers ou non et notamment en secteur libéral), les professionnels manquent de temps, de moyens humains, de connaissances précises du programme de formation, de liens avec les Ifsi, de compétences pédagogiques... ce qui occasionne bien des frustrations et déceptions, pouvant déboucher sur un encadrement de faible qualité par rapport aux objectifs initiaux. Cela est très délétère car la formation initiale des ESI devrait être égale pour tous - et surtout optimale - et que cette fameuse « expertise clinique » est indispensable à transmettre... Joëlle Kozlowski, présidente du Cefiec, a rappelé que « les enjeux sont énormes » pour l’avenir de la profession car il s’agit de transmettre « des qualités intrinsèques ». De son côté, Chloë Pons, vice-présidente de la Fnesi, a souligné que l’enquête menée cet été sur la réforme des études infirmière mettait bien en évidence cette carence d’accueil et de qualité de tutorat et que les professionnels de terrain avaient du mal à s’emparer de cette mission (méconnaissance du référentiel, portfolio complexe, manque de disponibilité...). Pour elles deux, l’idée est de « créer un statut particulier de tuteur de stage et la mise en place d’une formation indemnisée à l’encadrement. » Une proposition partagée par Christine Rivière, infirmière libérale à Nantes, et Sophorn Gargouillard, installée à La Rochelle, qui accueillent régulièrement des ESI mais pourraient bien y renoncer du fait d’une « non reconnaissance de leurs efforts d’encadrement au sein d’un exercice libéral déjà très chronophage » et qu’il faudrait organiser en demi-tournées avec le stagiaire et donc « compenser financièrement ».  Le sous-directeur des ressources humaines du système de santé à la DGOS, Raymond Le Moign a pu préciser que « d'un point de vue technique, la question est de savoir comment, dans un financement forfaitaire de la mission d'enseignement et de recherche de l'établissement, il est possible d'intégrer la charge de l'encadrement des étudiants paramédicaux », ajoutant que la même logique prévalait déjà pour les étudiants en médecine et les internes.

Connaitre pour respecter...

On le voit bien, au regard de ces différents témoignages, la journée fut dense et surtout très ouvertes aux perspectives et initiatives multiples, variées, toutes menées avec beaucoup d’excellence, mais qui manquent toujours de visibilité en dehors du corpus professionnel. Dépistage, prévention, santé primaire, scolaire, au travail, éducation thérapeutique, cursus universitaire, recherche... infirmières et infirmiers, ils sont partout et déploient leurs compétences, leur expertise avec plus ou moins d’autonomie, de valorisation et de reconnaissance... Au fil du temps, ils sont passés de « faire pour » à « faire avec » à « être avec »... Les usagers de la santé le savent bien, eux qui bénéficient de leurs soins dans toute l’acception du terme. Peut-être faudrait-il aussi que le ministère de la Santé qui n’envoie ses émissaires « technocrates » que de façon ciblée et morcelée lors de ce type de journée puisse leur permettre d’assister à l’intégralité des débats et des élaborations conceptuelles.. Peut-être alors que les tutelles comprendraient enfin qui sont les infirmier(e)s, quelles sont leurs valeurs, leurs compétences et leur valeur-ajoutée en ces temps de disette économique et pouvoir enfin répondre à leurs attentes avec tout le respect qui leur est dû.

Note

  1. Les deuxièmes États Généraux infirmiers se sont déroulés à l’Espace MAS, 10/18 rue des Terres au curé, Paris 75013.

Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef Infirmiers.com
bernadette.fabregas@infirmiers.com


Source : infirmiers.com