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DOCUMENTATION

David Servan-Schreiber et son combat contre la mort

Publié le 15/07/2011
On peut se dire au revoir plusieurs fois

On peut se dire au revoir plusieurs fois

livre david servan schreiber

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En juin 2010, David Servan-Schreiber, célèbre neuropsychiatre, auteur d' « Anticancer » et de « Guérir », atteint d'une tumeur au cerveau depuis près de vingt ans, rechute gravement. Il publie aujourd'hui un livre « testament » où il s'interroge sur le sens de la vie, de la maladie et du combat qu'il a mené pour lui et ses patients, avoue ses angoisses de mortel et réaffirme que même s'il devait mourir prochainement, il ne regrette rien, cancer y compris. Un livre comme un « au revoir » mais pas encore comme un « adieu ». Extraits choisis.

Le retour de la tumeur...

« C'était le 16 juin de l'année dernière. J'avais passé une IRM, et le résultat n'était pas brillant. (…)  En quittant le centre de radiologie, j'ai rappelé ma femme. Je lui ai dit : « Ce n'est pas bon », et j'ai fondu en larmes. (...) Impossible, avec ce poids sur le cœur, de traverser la ville, enfermé dans une voiture. J'ai donc enfourché mon vélo, parfaitement conscient du risque que je m'apprêtais à courir. (…) J'ai eu soudain besoin de « tester » mon courage. De voir si, face à cette bataille décisive, j'allais pouvoir mobiliser autant de force que lors des deux opérations précédentes. Avec vingt ans de plus au compteur et dans la tête une tumeur – si c'en était bien une – bien plus volumineuse, j'allais avoir besoin de toute ma vaillance et de tout mon sang-froid. »

Le « Big One »

« Je devais rejoindre Cologne pour un rendez-vous de travail fixé de longue date. Comme je flageolais toujours autant, mon frère Émile a tenu à m'accompagner en train. En sortant de la gare, mes jambes se sont encore dérobées. (…) On m'a fait passer une IRM en urgence. Cette fois le diagnostic était catégorique. (...) C'était une rechute. C'était même « la » rechute. La grosse, la méchante, la quasi-finale. « The Big One » (...) Nous y étions. Le danger que je redoutais depuis longtemps s'était matérialisé. (…) Les médecins de Cologne ont décrété que je devais être opéré sans délai. »

Le club des vivants...

« J'ai tout de suite su, sans l'ombre d'un doute, que j'allais faire ce qu'il fallait pour lutter. J'allais trouver les thérapies conventionnelles les plus adaptées à ma situation. Et j'allais les renforcer par mon programme anticancer. (…) Mon état de fatigue était tel que j'avais du mal à garder les idées claires. (…) Je sentais mon cerveau se dérober, je n'arrivais plus à réfléchir, à prendre des décisions. (…) Ma femme qui était enceinte, ne pouvait venir à Cologne aussi souvent qu'elle l'aurait souhaité. De plus, mon opération ayant été suivie par l'implantation de billes radioactives dans mon cerveau, j'émettais des radiations potentiellement néfastes pour le bébé qu'elle portait. (…) Durant mon séjour à l'hôpital, mes frères se sont relayés pour ne pas me laisser seul. (…) Tous ceux qui ont eu des problèmes sérieux de santé le savent. Quand on est malade, on se sent facilement seul (…). Même s'ils doivent renoncer à leur mode de vie d' »avant », les malades ont besoin de sentir qu'ils continuent de faire « partie du club » - le club des vivants qui « font des choses » et « vivent leur vie ». »

Mon lobe frontal...

« C'était la troisième fois que l'on touchait à mon lobe frontal. La troisième fois que je courais peut-être le risque de « perdre mon âme ». C'est avec une appréhension réelle que j'envisageais l'anesthésie. Heureusement, cette fois comme les précédentes, j'ai constaté au réveil que j'étais à peu près la même personne (…) très soulagé de retrouver les mêmes pensées tournant dans le même « aquarium » familier de mon esprit. (…) De retour à Paris, j'ai repris une vie à peu près normale (…) La première IRM de contrôle, en octobre, n'a montré aucune ombre suspecte (…) Mais la seconde, en décembre a été une douche froide : la tumeur, ou plutôt une tumeur, était revenue (…) Je n'ai pas eu le temps de me laisser aller au découragement. J'étais opéré une semaine plus tard.

Réussir la traversée...

« Depuis vingt ans que je vis avec la mort comme épée de Damoclès au-dessus de ma tête, j'ai eu bien souvent l'occasion d'y penser (…) Aujourd'hui, où je suis plus proche que jamais de cette échéance, je m'aperçois que je réagis dans l'ensemble comme de nombreux patients que j'ai soignés en tant que psychiatre (…) Comme beaucoup d'entre eux, j'ai peur de souffrir, je n'ai pas peur de mourir (…). Quand on a renoncé à se battre contre la maladie, il reste encore un combat à mener, celui pour réussir sa mort (…) et partir avec un sentiment de paix et de connexion. (…) Cette étape, je la ressens comme vitale et c'est encore une source d'espoir pour moi que de la réussir. (…) Après avoir longtemps mis toute mon énergie dans mon activité, j'apprends à explorer pas à pas le pays secret de la sérénité. (…) Je n'oublie pourtant pas que l'on peut la perdre quand l'heure sonne. (…) Et je demande à mes proches de ne pas trop m'en vouloir s'ils constatent que je tremble au seuil de ma mort. (…) Au point où j'en suis, je préfère imaginer que ma mort ressemblera au fameux tunnel débouchant sur la lumière blanche. Ce serait délicieux d'être accueilli par les vagues lumineuses d'amour, et par toutes les personnes que j'ai tant aimées et qui sont mortes avant moi.»

David Servan-Schreiber, On peut se dire au revoir plusieurs fois, Editions Robert Laffont, juin 2011, 158 p, 14 €.

Bernadette FABREGAS
rédactrice en chef izeos
bernadette.fabregas@izeos.com


Source : infirmiers.com