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AU COEUR DU METIER

Concernés, solidaires, les infirmiers doivent l'être... entre eux !

Publié le 24/01/2019

Ne serait-il pas édifiant de penser que nos collègues infirmier(e)s scolaires et infirmier(e)s psychiatriques étaient avant-hier dans la rue et, qu’aujourd’hui, nous n’aurions, au sein de notre profession, rien à en dire ou, plus redoutable, rien à en penser ?

Les soignants ne sont pas tout puissants et seul le travail et la réflexion d’équipe peut limiter l’écueil de participer activement ou passivement à la banalité du mal.

Un an déjà, que cela passe vite un an… Je me souviens avoir lu cette phrase de Michel Pinardon, infirmier psychiatrique, : Celui qui te dit que tu n'es pas un bon professionnel parce que tu ressens de la colère ou de l'impuissance, fuis-le, il te ment . Pour faire face à la réalité des sentiments éprouvés par l’exercice du soin, il est important de pouvoir compter sur un collectif soignant surtout dans un contexte où la fonction soignante est valorisée dans les discours mais pas dans les actes (stagnation des salaires qui sont parmi les plus bas d’Europe pour les infirmières et l’intégration en IFSI sans entretien préalable via Parcoursup ).

Malheureusement il semblerait que de plus en plus de jeunes professionnels ne perçoivent plus la nécessité de penser l’institution à plusieurs et de s’impliquer pour porter des revendications pour le bien commun afin d’interroger la qualité du service public. Avant-hier, 22 janvier 2019 était une journée nationale de grève des professionnels de la santé mentale et des infirmières scolaires . J’ai pu constater, à mon humble niveau, que des collègues soignants pris dans le quotidien du soin n’étaient pas disponibles pour entendre la nécessité d’exprimer collectivement un ras le bol de voir sous nos yeux des conditions de travail se dégrader d’année en année.

Même si chacun s’accorde sur le fait que le secteur de la psychiatrie est en crise, que les conditions de travail sont altérées , il est un nombre croissant de soignants qui n’a pas d’autres référentiels que des unités de soin où l’activité soignante consiste à gérer des entrées et des sorties, donner des traitements, faire des entretiens avec le médecin, surveiller et parfois punir. Dans ces conditions, où le temps de penser est bien court, comment comprendre l’intérêt de perdre une heure de salaire pour, dans le froid, aller partager avec ses collègues l’idée que chacun soigne avec ce qu'il est, ce qu'il a vécu et ce qu'il a compris du sens de son exercice.

Comme évoqué dans un récent article sur le film « L’ordre des médecins » , les soignants ne sont pas tout puissants et seul le travail et la réflexion d’équipe peut limiter l’écueil de participer activement ou passivement à la banalité du mal. Quel que soit notre lieu d’exercice nous devons nous garantir des temps d’échanges entre collègues pour penser nos organisations et pas uniquement assurer une continuité des soins basée sur l’urgence perçue qui trop souvent se limite à des actions de soins symptomatiques.

Nous devons garder une disponibilité aux souffrances moins démonstratives, aux personnes qui n’osent pas déranger et à ceux qui se persuadent que tout va bien alors que l’entourage est en alerte et garder de la créativité pour l’action prophylaxique qu’il est urgent de valoriser en France.

Bref, il est grand temps de retrouver des occasions de se rencontrer et de s’unir pour revendiquer de meilleures conditions d’exercice et de reconnaissance de la fonction soignante sur rôle propre. En effet, au-delà de la réalité des spécificités de nos différentes spécialités médicales, nous sommes tous concernés lorsque des hôpitaux ou des secteurs sont en crise et nous nous devons d’être solidaires.

Ne serait-il pas édifiant de penser que nos collègues infirmier(e)s scolaires et infirmier(e)s psychiatriques étaient avant-hier dans la rue et qu’aujourd’hui nous n’aurions au sein de notre profession rien à en dire ou, plus redoutable, rien à en penser ?

Jérôme Cornier
Cadre de santé
Jerome.cornierifcs@gmail.com


Source : infirmiers.com