L’examen fait par Nathalie du projet de l’Ordre a fait l’objet d’une réponse de sa présidente, à laquelle Nathalie répond …
« C'est avec un œil critique qu'il faut lire les critiques » (Jean-Yves Soucy. L'étranger au ballon rouge. Hexagone (Québec), 2005)
Mes commentaires sur le projet de code de déontologie semblent ne pas avoir été appréciés par Madame LE BŒUF, Présidente du CNOI.
Il est vrai que l’article apporte un regard critique, mais n’oublions pas que la critique est toujours constructive, qu’elle soit positive ou négative.
D’autant qu’ici, l’intérêt majeur est de défendre la profession infirmière.
Est-ce la peine de s’appesantir sur ma naïveté ?
Juste quelques précisions, Madame Le Bœuf. J’aurais apprécié que le courrier de la présidente au directeur soit adressé à la rédactrice, moi-même. Mais passons ! Surtout, en écrivant que Madame BACHELOT avait précisé que les services juridiques du ministère de la santé apporterait les adaptations nécessaires, notamment sur le plan juridique, je comptais sur le sens de la dérision du lecteur car évidemment, il ne faut pas se leurrer : rien de tout cela ne sera fait ! Mais manifestement, nous n’avons pas le même sens de l’humour. En attendant, qui va pâtir de la situation ? La profession infirmière !
Sur les apports du projet de code de déontologie
Le titre de l’article a été choisi délibérément pour rappeler que la profession avait déjà un code de déontologie et qu’il n’y avait donc pas lieu de s’émouvoir. Effectivement, comme vous le mentionnez si bien dans votre courrier, il est nécessaire de le mettre à jour, notamment en tenant compte des évolutions de la profession, des techniques et du cadre légal.
Cet argument est d’ailleurs expliqué dans l’article : « Il est effectivement intégré dans le projet les dispositions de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des usagers et qualité des soins. »
Il est donc regrettable que le titre ait été perçu comme une agression alors même que je justifiais le projet de mise à jour du code de déontologie par le CNOI !!
Une analyse trop centrée sur la pratique à l’hôpital
Il est vrai que je fais référence à la T2A… Quoiqu’il en soit, la pénurie de médecins en ville et à l’hôpital ne justifie nullement qu’un infirmier pose un diagnostic médical et/ou soit habilité à donner des informations médicales au patient. En ville et dans les établissements médico-sociaux, les infirmiers aspirent à une collaboration avec les médecins. Quand ils ont des difficultés, ils les contactent par téléphone pour les informer de l’aggravation de l’état de santé d’un patient et échanger sur la conduite à tenir.
L’argument de la pénurie de médecins pour reconnaître, voire imposer de nouvelles obligations à l’infirmier au-delà de son domaine de compétences est quelque peu dangereux.
Du fait de la pénurie d’infirmiers, allons nous accorder dans quelque temps le droit aux agents de services ou aux plombier de faire les soins ???
Paradoxalement, l’article critique le fait que le projet prescrive à l'infirmier de consacrer aux soins « le temps nécessaire »
« Consacrer aux soins le temps nécessaire », c’est bien ce que je souhaite à la profession infirmière ! mais la réalité est malheureusement tout autre, tant à l’hôpital qu’à domicile, en ville, etc. Des impératifs économiques font que les infirmiers ne disposent pas du temps nécessaire. Mais n’est-ce pas la mission du CNOI de défendre les intérêts de la profession ? Plutôt que de vouloir imposer la réalisation de soins dans des conditions utopiques, une formulation plus appropriée serait probablement moins perçue comme une agression par la profession.
D’ailleurs, pourquoi le CNOI ne se lancerait-il pas dans une étude sur les conditions de réalisation des soins par les infirmiers pour les soutenir face aux dérives (temps imposé auprès des patients, nombre de patients en une matinée, etc.) ?
La profession se sentirait alors soutenue et défendue par son ordre.
Sur l’information médicale donnée par l’infirmier sous la responsabilité du médecin
Je maintiens mon analyse : le dit article ne prévoit nullement la possibilité pour le médecin de transférer son devoir d’information médicale à la charge de l’infirmier, a fortiori dans l’hypothèse d’un diagnostic grave. L’interprétation faite de l’article L 1110-4 est non seulement erronée, mais de plus contraire aux principes de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des patients en fin de vie.
En effet, l’information médicale reste de la compétence du médecin. Dans le cas de diagnostic grave ou pronostic grave, le leitmotiv de la loi relative aux droits des patients en fin de vie est la collégialité. Dans ces conditions, le projet de déontologie ne peut pas ajouter des obligations contraires à la loi. Le fait qu’il soit mentionné que le médecin peut faire délivrer sous sa responsabilité ne peut pas être érigée en une règle de droit permettant au médecin de confier à l’infirmer la mission de donner une information médicale. L’infirmier est associé avec l’équipe médicale s’occupant du patient pour délivrer l’information au patient ou à ses proches, mais dans le strict respect de son domaine de compétences.
Il serait intéressant de communiquer l’interprétation faite par le CNOI au Conseil de l’Ordre des médecins. Je ne suis pas certaine qu’il partage votre avis !!
Consentement libre et informé
Si le CNOI s’arroge le droit de modifier les termes utilisés tant par le Conseil d’Etat que par la Cour de Cassation et qu’il souhaite parler de consentement libre et informé, que répondre à cet argument … ???
Au-delà d’une coutume, la jurisprudence fait référence à la notion de consentement libre et éclairé toutes les fois où se pose un contentieux sur le défaut ou manquement à l’information du patient. Pour y voir plus clair, j’invite madame LE BOEUF à se rendre sur le site de Legifrance pour y consulter la jurisprudence sur ce point.
Cependant, Madame LE BOEUF est effectivement libre de changer ces termes si elle le souhaite. Je me permets simplement de lui rappeler que selon la hiérarchie des normes, le décret sur le code de déontologie doit être conforme à la loi. Or justement, la loi prévoit que tout patient a le droit d’être informé sur son état de santé pour donner ensuite un consentement libre et éclairé !!!
Sur le droit de lever le secret professionnel
Une question était soulevée dans l’article concernant le droit de lever le secret lorsque l’infirmier est amené à donner des soins à une personne privée de liberté :
quel sens donner aux termes « personne privée de liberté » puisque l’article suivant décrit les démarches à suivre dans l’hypothèse de suspicion de maltraitance envers des personnes « vulnérables » ?
La question n’est pas anodine puisque selon l’article 19, l’infirmier serait en droit de lever le secret professionnel nonobstant les règles relatives au secret professionnel.
La réponse de Madame LE BOEUF n’apporte pas d’informations sur ce point. Elle cite effectivement les possibilités prévues par la loi, de lever le secret professionnel. Mais en arguant du fait qu’il existe actuellement tout un débat et qu’il appartient à l’Ordre de trancher la question, faut-il en déduire que le CNOI a décidé d’étendre la levée du secret professionnel au-delà des hypothèses prévues par la loi ? Si je comprends bien sa réponse, dans le cas où, par exemple, une personne adulte non vulnérable a été violée et ne veut pas porter plainte, cela signifie-t’il que l’infirmier pourra aller contre sa volonté et informer les autorités judiciaires … ???
Encore une fois, il existe ce que l’on appelle en droit constitutionnel le principe de la hiérarchie des normes : que cela plaise ou non, un décret ne peut pas déroger à la loi.
Actuellement, les seuls cas où le secret professionnel peut être levé sont ceux prévus par la loi. Point à la ligne !
Quant à la publicité et le droit européen
L’arrêt cité porte principalement sur l’exploitation et détention d’une pharmacie. En plus du droit européen, il convient de tenir compte de l’évolution des modes de communication à une époque où l’internet est omniprésent. Il semble plus opportun d’autoriser la publicité en la réglementant que de l’interdire purement et simplement.
Le CNOI réfléchit-il à la problématique récurrente des forums sociaux où des professionnels de santé échangent ouvertement sur ces sites à propos de leur journée de travail en apportant suffisamment de précisions pour que l’établissement, le service, voire le patient soit identifiables ?
Sa mission n’est elle pas d’attirer leur attention sur les risques de dérives plutôt que d’interdire radicalement toute forme de publicité ?
En conclusion
L’objet de cet article n’était pas de polémiquer pour ou contre l’Ordre infirmier, mais d’apporter une juste et nécessaire information concernant le projet de code de déontologie et de soulever les problématiques qu’il pose.
Il va de soi que je reste à la disposition de Madame LE BOEUF pour répondre à ses questions et observations. Notre intérêt majeur n’est-il pas de défendre la profession infirmière et non de polémiquer ?
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Nathalie LELIEVRE
Rédactrice Infirmiers.com
nathalie.lelievre@infirmiers.com
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