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GRANDS DOSSIERS

« Avec l'hypnose, on est pas dans la psychothérapie...»

Publié le 26/07/2017
Hypnose

Hypnose

Ce procédé, qui suscite encore une méfiance certaine, peut pourtant s’avérer précieux pour soulager la souffrance. Il est un outil précieux aux mains des infirmiers libéraux, susceptible de leur faciliter la tâche autant que d’apporter un mieux-être à leurs patients. C’est ce qu’a expliqué Laurent Salsac, IDEL à Saint-Pierre-des-Corps (37), lors du récent Salon infirmier, au cours d’un atelier intitulé « prise en charge de la douleur des plaies par l'hypnose ». Merci à la Fédération nationale des infirmiers (FNI) pour le partage de cet article.

Un IDEL qui ferait le choix de recourir à l'hypnose doit tout d’abord demander au patient de définir et de verbaliser sa gêne (faire certains gestes…), laquelle est propre à chacun et fonction de ses activités.

La douleur peut se définir comme un point de départ et un émetteur, le récepteur étant la souffrance et le vécu, résume Laurent Salsac. Avec une variable qui change tout : le fait que nous ne sommes pas tous égaux face à la réception et la souffrance. Certains sont très vulnérables à cette douleur et d’autres peu ; certains ont de petites douleurs mais qui, chez eux, génèrent des souffrances importantes.

En faisant appel à l’hypnose, on va plutôt jouer sur la réception que sur le point de départ dans la mesure où l’on ne peut pas jouer sur le point d’émission, par exemple dans le cas d’une fracture, explique Laurent Salsac. La chose n’a rien d’extraordinaire dans la mesure où tout le monde se met plusieurs fois par jour en hypnose, ne serait-ce que quand est en train de rêvasser les yeux dans le vague. Toujours est-il que l’hypnose présente l’avantage, outre d’agir sur la douleur, de permettre de diminuer la quantité de médicaments et donc leurs effets indésirables. Elle peut avoir comme préliminaire la relaxation que l’on utilise pour mettre en confiance les patients qui ont souvent ont très peur de l’hypnose. Il s’agit aussi de montrer que cette dernière n’empêche pas le professionnel de santé de respecter la déontologie. Il n’est pas là pour manipuler le patient, lequel peut renoncer à tout instant à ce type de traitement de la douleur.

Décryptage de la douleur

La douleur comprend quatre éléments :

  • l’aspect sensori-discriminatif (la localisation, l’intensité...) ;
  • l’aspect cognitif (sensation désagréable, pénible…) ;
  • l’aspect affectif et émotionnel (les processus mentaux mobilisés dans la perception de la douleur) ;
  • l’aspect comportemental (l’expression verbale et non verbale de la douleur).

Par ailleurs, la douleur s’inscrit dans la temporalité. Ainsi, intègre-t-elle :

  • la souffrance du moment présent ;
  • les crainte nées d’évènements traumatiques passés ;
  • la projection dans le futur (l’anticipation de la douleur qui empêche de faire certaines choses).

C’est pourquoi, traiter les douleurs passées et futures aide à annihiler celles du présent en les privant d’appuis.

Un outil pour reprendre le contrôle de soi-même

Un IDEL qui ferait le choix de recourir à cette méthode doit tout d’abord demander au patient de définir et de verbaliser sa gêne (faire certains gestes…), laquelle est propre à chacun et fonction de ses activités. « Il faut vraiment se baser sur le vécu du patient et non pas sur ce que l’on voit », insiste Laurent Salsac. Ensuite, comment faire ? En procédant un interrogatoire clinique : On s’intéresse en profondeur à la douleur du patient pour l’amener progressivement vers autre chose. En somme, on l’invite à se focaliser sur sa douleur, à se la représenter par le biais d’un objet qui fait office de métaphore et que l’on va détruire… par la pensée (douleur oppressive comme dans un étau, décharge électrique générée par un câble électrique…). Cette visualisation à la fois abstraite et matérialisée autant que le fait d’agir sur des objets en ne prononçant plus le mot douleur vont permettre de défaire une à une les strates qui ont forgé la douleur de la personne.

Pendant le soin, on demande au patient de se focaliser sur la sensation de bien-être en choisissant un souvenir agréable, une image, une odeur, quelque chose qui soit agréable pour le raconter en détails. Il va ainsi solliciter un ou plusieurs canaux sensoriels, précise Laurent Salsac. Sachant que l’IDEL n’est pas toujours tenu de solliciter en continu le patient. Il peut le laisser parler et continuer à effectuer son soin. Au final, le patient ressent rapidement un soulagement sur la zone douloureuse et prend conscience qu’il peut influer sur sa douleur. Pour cela, une technique parmi d’autres, celle du gant hypnotique. Elle consiste, en utilisant sa main, à changer par stimulation (pression) la zone de douleur en zone analgésique juste avant de procéder à une perfusion ou à un soin.

Plus largement, on donne à des patients qui ont complètement désinvesti leur corps avec, à la clef, une perte d’élan vital, un outil pour qu’ils puissent reprennent le contrôle d’eux-mêmes, qu’ils se sentent de nouveau acteurs et qu’ils réinvestissent leur vie, synthétise Laurent Salsac. Pour ce qui est des douleurs neuropathiques importantes, l’hypnose ne prétend pas les éteindre totalement mais simplement offrir au patient des moments de répit au cours desquels il peut diminuer sa douleur, ne serait-ce que quelques demi-heures par jour et donc de ne plus être que… douleur. Et ce, afin d’inverser la spirale infernale.

Aucun texte réglementaire n’interdit la pratique de l’hypnose aux infirmiers.

On n’est pas dans la psychothérapie

Si l’hypnose a ses vertus, elle n’est pas l’alpha et l’oméga incontournable pour repousser la souffrance. Non seulement elle ne solutionne pas tout mais elle comporte des contre-indications. Elle ne peut, par exemple, pas bénéficier aux patients psychotiques, à ceux ne possédant pas les capacités d’abstraction suffisantes sur le plan intellectuel ou encore, aux personnes dont le Français n’est pas la langue maternelle En revanche, elle peut tout à fait être utilisée pour les enfants. Ce n’est pas très compliqué car ils sont très facilement en hypnose, confirme Laurent Salsac. Néanmoins, dans ce cas-là, il convient d’être plus permissif car l’enfant part en quelque sorte dans tous les sens. Il ne faut donc pas être dans un tracé très logique mais, au contraire, pouvoir l’accompagner.

Quand elle s’avère utile, l’hypnose excède rarement dix séances de vingt à trente minutes. On n’est pas dans la psychothérapie, justifie Laurent Salsac. Le but est que le patient devienne autonome dans sa gestion et ait à sa disposition des réponses très concrètes et très rapides au traitement de sa douleur.

Sera-t-il encore possible de se former ?

Contre toute attente, par lettre recommandée, et sans qu’aucune modification réglementaire ne soit intervenue, l’agence nationale du DPC a décidé de ne plus prendre en charge les formations hypnose aux IDEL, sauf si ces dernières sont prodiguées dans un cadre pluridisciplinaire sous responsabilité médicale. La Fédération nationale des infirmiers (FNI) ne laissera pas faire. La formation intitulée « Relation d’aide thérapeutique, douleur et hypnose » est rayée du catalogue des formations prises en charge par l’ANDPC. Pour quel motif ? Selon les travaux de la direction générale de la santé et de l’INSERM, ce programme ne pourrait être proposé à un public d’infirmiers car l’hypnose est un acte médical réservé aux professions médicales. La menace est donc claire : enseigner l’hypnose à des IDEL, c’est faire un exercice illégal de la médecine !

La FNI a réagi immédiatement en adressant à l’ANDPC le 31 mars un courrier largement étayé visant à demander un recours gracieux pour poursuivre ces formations. Non seulement l’ANDPC ne dit pas clairement à quelles publications scientifiques elle se réfère mais elle passe outre le fait que de nombreuses universités proposent actuellement des diplômes universitaires en direction des infirmières. De plus, aucun texte réglementaire n’interdit la pratique de l’hypnose aux infirmiers. La FNI ne compte pas en rester là. Elle entend porter l’affaire devant le tribunal administratif et s’adjoindre le renfort d’autres organismes de formation qui font les mêmes constats afin de s’unir pour faire cause commune.

Alexandre TERRINI

Cet article a été publié dans la revue de la Fédération nationale des infirmiers (FNI) « Avenir et santé » dans son n°455 (juillet/août 2017), pp. 36-37.


Source : infirmiers.com