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Atelier d'écriture aide-soignant : écueils et préjugés

Publié le 31/07/2017

J’ai récemment piloté un atelier au cours duquel les aides-soignants(es) avaient pour objectif de se décrire, de réaliser leur autoportrait et de restituer par l’écrit les résultats de leur cheminement. L’idée était de leur faire dépasser leurs représentations et faire émerger des ressentis au regard des sources théoriques mises à leur disposition, dans une approche relationnelle. L’atelier d’écriture leur a ainsi permis de prendre de la distance sur des pratiques professionnelles et les a motivé à construire une réflexion visant un positionnement professionnel.

Christine Paillard a piloté un atelier d'écriture destiné aux aides-soignants.

Proposer un atelier d’écriture pour les aides-soignants qui valident le module 5, ce n’est pas évident, compte tenu du temps donné pour s’approprier leur coeur de métier.

Comment amorcer un atelier d’écriture ?

Un atelier d’écriture doublé d’une analyse de situation pour produire du sens, cela semble relever du défi… Pourtant, il y a des séquences d’apprentissage possibles et des résultats intéressant. L’écriture créatrice est l’approche didactique qui permet de dessiner les contours d’une séquence. Celle-ci débouche sur des objectifs pédagogiques et vise l’acquisition de méta-compétences (rédactionnelles, informationnelles, relationnelles…). Il s’agit de :

  • décrire sa personnalité professionnelle en devenir ;
  • relier valeurs personnelles et valeurs professionnelles dans un contexte hospitalier ;
  • créer du sens dans une communication écrite ;
  • rédiger un texte avec des sources théoriques ;
  • mettre des mots sur des situations de communication ;
  • analyser des situations professionnelles en groupe ;
  • s’approprier des concepts de la relation d ‘aide pour faciliter un soin.

L’atelier se découpe en deux temps : un espace de parole formalisé en Forum pour échanger autour des styles d’écriture, savoir parler de soi et parler des autres, formuler une pensée pour rédiger une analyse de situation enrichie par des définitions pertinentes ; un espace informatique pour formaliser la méthodologie du module 5 avec l’assistance d’un logiciel de traitement de texte et s’approprier des usages typographiques pour respecter les normes attendues.

Rien ne sert de courir...

Pour débuter l’atelier, j’ai lu à haute voix l’autoportrait de François Bégaudeau à partir de son ouvrage « Au début ». L’idée était d’encourager chacun à se définir, à décrire son identité de soignant(e). Ils ont réagi à l’autoportrait par des réflexions diverses, souvent drôles et pertinentes quand ils comprennent, par exemple, le caractère ironique de certaines phrases. Pour eux, l’auteur “s’assume et se fout de ce que les autres pensent. « Il dit vrai, il est clair avec lui même, il s’aime, il est direct, auto ironique, provocateur, pas complexé, il n’a pas sa langue dans sa poche, il a de l’humour… il y a du rythme, ce sont de beaux mots, c’est fluide, bien agencé, il a peint sa personnalité, c’est un artiste, pourquoi parler de téton et de l’Islam ? c’est mélodieux, les mots sont bien trouvés, je ne comprends pas pourquoi il parle de son téton, les hommes ne parlent pas de leurs tétons... ».

Un autoportrait à définir et à restituer

Cet autoportrait et ces retours ont permis d’oser se décrire, de s’autoriser à le faire, d’écrire pour le dire. Je leur ai ensuite donné un questionnaire, en binôme, pour qu’ils évoquent les traits principaux de leur personnalité soignante, avec l’aide de l’autre, mais surtout à partir de “ce que je pense de moi même”. En voici des extraits :

  • Mon type de patient préféré (exemple de réponse : sans préférence)
  • La qualité que je préfère chez les hommes (et femmes) (exemple : la franchise)
  • Mon principal défaut ( impulsivité)
  • Ma principale qualité ( : générosité)
  • Ma maladie préférée ( ALD)
  • Ce que je déteste par-dessus tout (les génocides)
  • Ce que j’aime par-dessus tout (exemple : la famille)
  • Le personnage historique que je n’aime pas ( Van Gogh)
  • La faute qui m’inspire le plus d’indulgence ( une faute avouée)
  • Comment j’aimerais mourir… ( rapidement)
  • Ma devise (Hélas ! quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi !- Hugo- Les contemplations)

Puis, je leur ai demandé de rédiger, en quelques lignes, leur autoportrait, tel le soignant qu’ils pensent déjà être, ce à quoi ils aspirent. Nous avons ainsi dégagé quelques lignes : “je m’adapte, je suis empathique, je prends de la distance, je travaille avec l’équipe soignante, je respecte le secret professionnel , je suis réservée, pudique, sérieux, souriante, drôle, maladroite, timide, impulsive, franche, bavarde…”

...Il faut partir à point

Nous avons bien sûr travaillé avec le dictionnaire de la relation et de la communication pour définir au mieux les caractéristiques de la relation d’aide (congruence, empathie, reformulation, etc.) et analyser au mieux des situations relationnelles rencontrées. Le but étant de dépasser ses représentations, ses idées toutes faites, pour observer ses ressentis au regard des sources théoriques mises à leur disposition. Pour cela, nous avons utilisé une méthode d’analyse de pratiques. Il s’agit de narrer sa situation, avec le groupe. Puis, laisser les questions émerger, sans jugement, en laissant le narrateur y répondre, ou pas. Ensuite, des hypothèses peuvent être formulées. A partir de ce moment précis, évoquer les concepts à définir pour justifier son angle d’analyse semble être approprié.

Ce travail fait écho aux apprentissages des soins relationnels, au module 7 à propos des transmissions, aux expériences réalisées en stage... L’atelier d’écriture permet de prendre de la distance sur des pratiques professionnelles avec méthodologie et motive l’élève à construire une réflexion visant un positionnement professionnel. Cet accompagnement peut éviter l’appel du plagiat.

Christine PAILLARD Présidente du Sidocchristinepaillard@gmail.com

Bibliographie complémentaire

  • CARILLO, Claudine. Etre un soignant heureux : le défi : Fluidifier les relations et apprivoiser les émotions. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson. 2010.
  • JOUY-GUEZ, Evelyne. Soigner sans se nier. Editions Lamarre. 2010.
  • PAILLARD, Christine. Dictionnaire de la relation et de la communication pour AS-AP-AMP. Noisy-le-grand. Setes éditions. 2015.
  • BEGAUDEAU, françois. Au début. Paris : 10 X 18. 2014
  • BLANCHARD-LAVILLE et FABLET, Dominique. Sources théoriques et techniques de l’analyse des pratiques professionnelles. Paris : L’Harmattan. 2002.


Source : infirmiers.com