Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

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INFOS ET ACTUALITES

Alerte ! Formation infirmière en danger !

Publié le 03/03/2011

Le nouveau référentiel de formation suscite bien des inquiétudes chez les formateurs et les étudiants. Exprimées par Isabelle, cadre de santé, Jérôme, directeur de Médiformation, y répond.

Isabelle Bayle : Ce soir, je m’interroge : mais où va la formation infirmière depuis la mise en place du nouveau référentiel de formation ?

Je suis en train de monter les dossiers des étudiants de première année dont je suis référente pédagogique pour savoir s’ils satisferont ou pas aux exigences de passage d’année ou pas. Et là, plusieurs cas se présentent, en particulier concernant la validation de la compétence 3. Alors je prends mon téléphone, j’appelle des collègues, mon réseau inter-région et là, une tornade, un cyclone arrive des 4 coins de la France….. Chacun fait ce qu’il peut, ce qu’il croit le plus proche du texte, bref ! chacun fait ce qu’il veut…..

Jérôme Clément :
Dans certaines régions, des conseillères pédagogiques régionales auprès des ARS répondent qu’elles ne savent pas… mais dans d’autres régions, elles se renseignent, en faisant appel à l’échelon national : la conseillère pédagogique nationale.

Sur le plan des textes, le passage de première en deuxième année est défini par l’article 50 de l’arrêté du 31 juillet 2009 :

Article 50
Le passage de première en deuxième année s’effectue par la validation des semestres 1 et 2, ou par la validation d’un semestre complet ou encore par la validation de 48 crédits sur 60 répartis sur les deux semestres de formation.
Les étudiants, qui ne répondent pas à ces critères et qui ont obtenu entre 30 et 47 crédits au cours des semestres 1 et 2, sont admis à redoubler. Ils peuvent suivre quelques unités d’enseignement de l’année supérieure après avis de la commission d’attribution des crédits de formation définie à l’article 59.
Les étudiants qui ont acquis moins de 30 crédits européens peuvent être autorisés à redoubler par le directeur de l’institut de formation en soins infirmiers après avis du conseil pédagogique.
Les étudiants autorisés à redoubler conservent le bénéfice des crédits acquis.

Il n’est donc pas fait état particulier de la compétence 3

Concernant l’obtention du diplôme AS, certes, l’ex première année validée donnait accès à l’obtention du DE AS. Aujourd’hui, ce n’est pas la validation de la compétence 3 qui donne accès au diplôme AS. L’instruction N°DGOS/RH1/2010/243 du 5 juillet 2010 relative aux modalités de mise en oeuvre de la réforme LMD au sein des instituts de formation en soins infirmiers précise très clairement :

« Enfin, pour pouvoir travailler comme aide-soignant (faire fonction d'aide-soignant pendant l'été ou demander le diplôme d’Etat d’aide-soignant en cas d'interruption de formation), il faut avoir validé la première année d'IFSI dans son intégralité (60 ECTS), avec en cas de besoin, une attestation de l'IFSI faisant foi.
Un étudiant en soins infirmiers n'ayant pas validé l'UE 4.3.S2 (AFGSU) ou étant admis en 2ème année avec moins 60 ECTS ne se verra pas reconnaître la possibilité d'exercer comme aide-soignant. »

Il n’est pas fait état spécifique de la compétence 3.

Il faut noter que des étudiants infirmiers en deuxième année peuvent ne pas être autorisés à exercer comme faisant fonction d’AS (validation de leur année avec moins de 60 ECTS), ce qui n’était pas le cas avec l’ancien programme. Au passage, ça pose un problème aux étudiants en formation en alternance ou tout simplement à celles et ceux qui pour financer leurs études avaient prévu quelques vacations AS)

IB : Je me demande alors :

  • quelle logique faut-il privilégier - l’emploi, la formation ? -
  • quelle stratégie faut-il mettre en place pour les étudiants, pour les professionnels ?

tout se bouscule et me voilà prise dans l’œil du cyclone……

J’ai envie de dire STOP…..

Essayons de comprendre… arrêtons-nous et resserrons la focale autour de la validation ou non de la compétence 3 et le passage en 2ème année.
N’oublions pas (il n’est peut-être pas inutile de le rappeler car certains semble déjà l’avoir oublié) que dans le programme de 1992, la validation de la première année de formation infirmière permettait d’obtenir l’équivalence du DE AS. Aujourd’hui, c’est la validation de la compétence 3 en fin de première année qui remplace ce processus. Mais que constatons-nous ?

D’un côté, un ensemble d’étudiants, heureusement majoritaire, qui valide la compétence 3 sur le plan théorique et pratique.
D’un autre côté des apprenants qui valident la partie théorique de la compétence 3, mais pas l’aspect pratique. Cela semble simple, avez-vous envie de me dire. Oui… eh ! bien, non. Alors, petite pause sur image pour comprendre.

Nous constatons plusieurs possibilités. Je vais prendre au hasard trois configurations.

Exemple 1 : la compétence 3, avec les actes et techniques de soins qui s’y rapportent, non validée. Une argumentation cohérente, pertinente et explicitée accompagne le rapport de stage.

Dans ce cas, pas de problème ! les tuteurs se sont engagés, positionnés. Ils ont pris leur responsabilité de manière éclairée. Cette dynamique permet à l’étudiant de savoir où il en est et de se projeter dans l’avenir.

Exemple 2 : Un étudiant qui valide la compétence 3, mais pas les actes et techniques de soins qui s’y rapportent. Le questionnement commence…. Comment peux-t-il valider la compétence sans avoir, par exemple, réalisé des soins d’hygiène ? Cela semble incohérent. Mais surtout, comment analyser cette situation ? Peut-on valider une compétence sans que les actes soient acquis ?

Exemple 3 : Un étudiant qui ne valide pas la compétence 3, mais qui valide les actes et techniques de soins qui y sont associés. Cela peut interroger aussi, mais dans d’autres termes. En effet, l’apprenant est peut-être un bon exécutant, il possède une bonne dextérité, mais n’arrive pas à franchir un seuil, lui permettant d’atteindre la compétence. Des questions d’apprentissage se posent : a-t-il des difficultés dans l’analyse des situations ? Comment appréhende-t-il la vision holistique d’un soin ?....

D’autres exemples : Un étudiant valide la compétence 3 au premier stage mais pas au deuxième…… un étudiant à « à améliorer » durant les deux stages….. Un étudiant……

Je pourrais encore continuer les exemples. Mais au fait, qui a anticipé ces simulations ? les équipes pédagogiques des IFSI ? certains étudiants ? quelques rares professionnels ? qui apporte les réponses ?

Il semble indispensable de garder un fil conducteur, une ligne directrice avant de remplir la feuille d’évaluation de stage de l’étudiant.
Des feuilles de suivi sont à concevoir et à remplir par l’ensemble des professionnels de proximité pour que le tuteur puisse se baser sur des données fiables et significatives et non sur des impressions.

Les étudiants, eux, suivent leurs acquisitions de près, car l’enjeu est majeur pour eux. Alors, à nous les professionnels  d’en faire des alliés pour cheminer ensemble. Chacun n’a-t-il pas à s’enrichir l’un de l’autre ?

Accueillir un étudiant en stage demande du temps, engage une responsabilité, c’est certain. Mais n’oublions pas que nous formons les professionnels de demain.

Bref, un étudiant qui ne valide pas la compétence 3 va devoir faire un stage complémentaire…. Et là tout se complique….

JC : Pas d’accord avec : « va devoir faire un stage complémentaire. » Pourquoi un étudiant ne pourrait-il pas valider la compétence 3 en première année avec 15 semaines de stages ?

L’article 57 précise :
L’acquisition des compétences en situation et l’acquisition des actes, activités et techniques de soins, se font progressivement au cours de la formation.
Les étapes de l’acquisition minimum sont :
1° En fin de première année, l’acquisition de l’ensemble des éléments de la compétence 3 ;

Dans certains Ifsi et avec l’ancien programme, le premier stage de 4 ou 5 semaines devait permettre de valider via une MSP (mise en situation professionnelle) ce qui ressemble fort aujourd’hui à cette compétence 3. En 15 semaines, on doit y arriver…

Le référentiel de formation précise :

« L’acquisition des éléments de chaque compétence et des activités techniques est progressive, chaque étudiant peut avancer à son rythme, à condition de répondre aux exigences minimales portées dans l’arrêté de formation (cf article 50 et 57).

Chaque semestre le formateur de l’IFSI responsable du suivi pédagogique de l’étudiant fait le bilan des acquisitions avec celui-ci.  Il conseille l’étudiant et le guide pour la suite de son parcours. Il peut être amené à modifier le parcours de stage au vu des éléments contenus dans le portfolio » (si après le 1er stage de 1ère année, l’étudiant n’a rien vu de la compétence 3, il est souhaitable de fixer des objectifs en conséquence pour le 2ème stage).

On retrouve aussi un paragraphe sur le suivi de l’étudiant en stage :

« Pendant la durée des stages, le formateur de l’IFSI référent du stage organise, en lien avec l’équipe pédagogique, le tuteur et le maitre de stage, soit sur les lieux de stage, soit en IFSI, des regroupements des étudiants d’un ou de quelques jours. Ces regroupements entre les étudiants, les formateurs et les professionnels permettent de réaliser des analyses de la pratique professionnelle. »

C’est l’occasion aussi de s’assurer que les étudiants progressent en fonction des objectifs fixés, particulièrement quand on les sait en retard sur la compétence 3 lors du premier stage. On peut s’assurer régulièrement au cours du 2ème stage que l’étudiant pourra valider cette compétence 3 à l’issue de ces 10 semaines de stage.

Parfois, il n’y a pas suffisamment d’échanges entre l’Ifsi et le terrain de stage. Sur les 15 semaines de stage des deux premiers semestres, il convient d’insister sur les objectifs à atteindre et notamment cette compétence 3. Et effectivement, le redoublement ne semble pas injuste si un étudiant est en grande difficulté avec cette compétence, que l’on qualifiera de base professionnelle. Dans l’ancien programme, on retrouvait ces étudiants au conseil pédagogique après un stage catastrophique ou des MSP non validées. En revanche, il n’est pas normal qu’on ne donne pas les moyens aux étudiants de valider cette compétence.

Des Ifsi qui envoient des étudiants dans deux stages de première année, disons « peu formateurs », il est clair que ça pose un problème pour l’étudiant qui ne peut pas progresser correctement.

IB : Devons nous vous remercier, Monsieur le Législateur, pour avoir gardé des rentrées décalées : septembre pour certains et février pour les autres ? Cela répond certainement à une logique d’emploi, mais certainement pas à une logique de formation. De fait, deux systèmes se mettent en place.

Pour les rentrées de septembre, pas trop de souci. Les IFSI ont la période des vacances d’été pour orchestrer un stage complémentaire.
Pour les rentrées de février, il y a 48 heures entre la première et la deuxième année. Si nous gardons les mêmes modalités, cela peut donc s’effectuer en un week-end…

JC : Les rentrées décalées n’ont pas été interdites par le Ministère, certaines régions tenant particulièrement à ce système pour le recrutement. Tout le monde a été mis en garde à propos des rentrées universitaires, qui s’accommoderaient mal des rentrées de février. Avec l’ancien programme, les redoublements ou l’organisation de stages de rattrapage ne posait ni plus, ni moins de problèmes.

IB : Dans chaque région et sur le territoire national, chaque IFSI s’organise et réalise la « sauce » qui lui convient le mieux pour enrober le mets. Cela entraîne des modalités différentes d’un centre de formation à un autre et ceci sur la même région. Nous pouvons nous demander qui tient le gouvernail du bateau formation…  A quoi servent les instances et les différentes réunions inter IFSI ? Et les étudiants dans tout cela, ils subissent les disparités ?

JC : Disparités qui existaient déjà avec le programme de 1992. Ne serait ce que sur ces réunions d’harmonisation pré MSP du DE qui montraient les différences méthodologiques ou d’exigence des Ifsi voisins… Pour un diplôme d’État, c’est effectivement discutable. Ne parlons même pas des TFE où chacun fait et fera encore comme bon lui semble… Et puis intervient maintenant l’Université, pardon ! les universités, qui ont des méthodes très diverses. La nouveauté génère de nombreuses questions pratiques nouvelles, mais en 1992, les questions étaient aussi nombreuses.

IB : Heureusement, force est de constater que tout est organisé au mieux pour l’apprenant. Néanmoins, les étudiants qui ne valideront pas la compétence 3 à l’issue du stage complémentaire que deviendront-ils ?

Dans le premier cas (rentrée de septembre), ils pourront redoubler puisque la rentrée n’aura pas eu encore lieu. Ils pourront être intégrés immédiatement dans la nouvelle année qui débute.

Dans le deuxième cas (rentrée de février), bonne question ! Faudra-t-il qu’ils attendent ? Et ceci au moins 6 mois ?

JC : Pourquoi attendre 6 mois ? comment faisait-on avec l’ancien programme pour les étudiants qui ne validaient pas leur MSP, leurs stages ou leur théorie ?

IB : Les professionnels, les tuteurs se trouvent acculés et n’ont pas de temps pour encadrer les étudiants, remplir les feuilles de suivi de stage, se former à l’état d’esprit du nouveau référentiel de formation… Cela engendre des documents officiels complétés rapidement, de manière maladroite, pouvant être peu proches de la réalité.

Ensuite, l’orchestration du curriculum de formation avec des rentrées décalées induit des modalités différentes en termes de passage d’année en cas de non validation d’une compétence.

JC :
Pour avoir diffusé en juin 2009 sur infirmiers.com une première mouture de ce qui allait devenir l’arrêté du 31 juillet, je me souviendrai toute ma vie de cet appel téléphonique d’un directeur d’un Ifsi qui m’a copieusement pourri en m’expliquant que cette réforme ne se ferait pas, que rien n’était acté, … bref que j’étais inconscient de diffuser ce type d’information ! Je me souviens aussi d’un article que j’avais fait sur « mais où est donc passé l’arrêté du 31 juillet 2009 ?» car de source sûre, je savais que ce texte était parti du ministère vers les régions. Seulement, l’information s’est arrêtée à certains niveaux… En période estivale, l’information circule vraiment bien mal…

Pendant 3 ans, MA Coudray, Conseillère pédagogique nationale à la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, a tenu à diffuser très largement tous les travaux relatifs à ce nouveau programme. Je ne m’explique pas comment certains ont fait semblant de le découvrir quand il est officiellement sorti… Et je compatis pleinement avec les formateurs en Ifsi qui n’ont pas reçu ces informations parce qu’un directeur, un cadre supérieur, un responsable quelconque a cru bon de garder l’info pour lui. Est-il normal que ce soit un site comme Infirmiers.com qui ait informé en premier les formateurs de terrain de ce nouveau programme ? Je pense que non.

Le gag, c’est que pour le concours d’entrée Ifsi de septembre 2009, des candidats se sont faits torpiller pour avoir expliqué aux membres du jury ce qu’était le nouveau programme ! Ils en savaient plus que le jury pour avoir lu des articles sur internet (Infirmiers.com), un truc diabolique et inconcevable !!!

Il y avait moyen d’anticiper pas mal de choses pour éviter de subir ce qui ressemble à un rouleau compresseur aujourd’hui.

Je comprends donc pleinement votre cri et votre colère. Il y a une commission chargée de mesurer la mise en place de cette réforme et apte à apporter les réponses nécessaires, sous réserve que l’information remonte correctement, mais je suis convaincu que ce n’est pas toujours le cas : la descente d’infos a été bloquée, ça ne remonte pas mieux.

Lors de la réunion du 10 décembre 2010, dont je suis sûr qu’aucun formateur n’est au courant, le CEFIEC a souligné l’obligation de valider la compétence 3. Les représentants de la DGOS ont pris note sans plus de précision. Dans la même réunion, il a été dit qu’il n’y avait pas plus de redoublements qu’avec l’ancien programme. Si on relie les deux données, la compétence 3 n’est pas un problème majeur…

IB : Alors que faut-il faire :
crier pour alerter ?
laisser « couler » en se disant que nous sommes très peu à s’interroger ?
Ou… se dire qu’il faut continuer à y croire et que demain quelqu’un aura une idée de génie !....

En tout cas bon courage à tous ! car là n’est qu’une partie immergée de l’iceberg.

Isabelle BAYLE
Cadre de santé
Rédactrice Infirmiers.com
isabelle.bayle@ch-saverne.fr
Jérôme CLEMENT
Responsable de la formation, IZEOS
jerome.clement@infirmiers.com


Source : infirmiers.com